Le ministère du Commerce tente encore une fois de stabiliser les prix pour les produits de large consommation pendant le mois de Ramadhan. Il promet aussi une disponibilité suffisante de tous les produits. Point sur le dispositif. Cette année, ce sera peut-être la bonne ! Comme tous les ans, à l’approche du Ramadhan, le gouvernement rassure les consommateurs quant à la stabilité des prix durant ce mois sacré. Lors d’une rencontre avec les directeurs régionaux et de wilaya du commerce dans le cadre de la préparation du mois de Ramadhan 2018, tenue dimanche dernier, le ministre du Commerce, Saïd Djellab a assuré qu’un dispositif a été mis en place afin que les prix restent stables. «Plusieurs orientations ont été données pour la facilitation des approvisionnements, la mise en place d’un nouveau système d’information permettant le suivi de manière instantanée de la tendance des prix des produits au niveau des marchés de gros et de détails et leur disponibilité ainsi que l’organisation des marchés spécifiques aux mois de Ramadan visant à promouvoir la production nationale», a affirmé le ministre. Les promesses du gouvernement vont-elles être tenues cette année contrairement aux années précédentes ? C’est en tout cas, ce qu’espère Abdelaziz Aït Abderrahmane, directeur des activités commerciales et de la régulation des prix au ministère du Commerce : «L’une des meilleures manières d’empêcher l’augmentation des prix c’est de permettre la disponibilité des produits de large consommation durant le mois de Ramadhan. Nous nous sommes donc penchés sur le dossier Ramadhan dès le mois de janvier. Un comité interministériel chargé du suivi de la facilitation de l’approvisionnement du marché en produits de large consommation a été mis en place.» Le responsable reste optimiste. Importation Pour étayer ses dires, M. Aït Abderrahmane avance les chiffres : «Il faut savoir que le quota de produits laitiers a été revu à la hausse ; il est passé de 14 450 tonnes/mois l’an dernier à 18 950 tonnes/mois cette année. Soit une augmentation de 4500 tonnes, ce qui n’est pas négligeable. Idem pour l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), dont les stocks couvriront les besoins jusqu’au mois de septembre». Pour ce qui est des pois chiches, produit en forte demande durant le Ramadhan, les quantités disponibles s’élèvent à 3176 tonnes contre 2761 tonnes l’année passée. Idem pour le riz, donc le quota a été doublé : 3196 tonnes sont disponibles contre 1305 tonnes l’an dernier. L’Office national interprofessionnel des légumes et des viandes (Onilev) a aussi pris ses dispositions afin d’assurer la disponibilité des produits. «En raison de la demande croissante de viandes durant le Ramadhan, il a été décidé d’autoriser les importations. En termes de chiffres, nous sommes à 18 606 tonnes tonne de viande bovine congelée contre 1780 tonnes l’an dernier en raison de la mise en place des licences d’importation», soutient M. Aït Abderrahmane. Pour ce qui est de la viande rouge fraîche, le ministère de l’Agriculture en a déjà importé 3300 tonne.s Le secteur public n’est pas en reste ; l’Algérienne des viandes rouges (Alviar) mettra sur le marché 600 tonnes de viande rouge contre 400 l’an dernier. Pour ce qui est des viandes blanches, L’Office national des aliments de bétail (Onab) mettra sur le marché 3000 tonnes de poulet, dont une partie en frais découpé et le reste congelé. Stabilisation A noter que l’Onab et Alviar auront 60 points de vente et 500 franchises (bouchers conventionnés) afin de vendre les produits à des prix abordables. Par ailleurs, comme chaque année, une cinquantaine de marchés de proximité feront leur apparition quelques jours avant le début du Ramadhan. Ces espaces dédiés à la commercialisation de produits locaux seront aménagés un peu partout dans le pays afin d’assurer un approvisionnement permanent et ils joueront donc un rôle considérable dans la stabilisation des prix. A cet effet, M. Aït Abderrahmane confie : «On va rééditer les marchés de proximité spécial Ramadhan afin de freiner la flambée des prix». Selon El Hadj Tahar Boulenouar, ces marchés sont toujours une bonne initiative qu’il faut encourager et appliquer tout au long de l’année. «Ce genre de marché doit exister dans chaque commune de chaque daïra du pays. C’est grâce à eux qu’il y aura une frénésie par rapport aux prix en raison de la forte offre», suggère-t-il. Une opinion largement partagée par Souhil Meddah, expert financier, qui estime que l’alternative de multiplier le nombre de marchés de proximité peut largement contribuer à la constitution d’une solution de régulation touchant à la fois la destination des axes d’approvisionnement et aussi des sources fiables et utiles pour les populations concernées. Cependant, elle doit aussi garantir un élargissement factuel au sein de tous les espaces de concentration existants. Système d’information Jusque-là, le ministère du Commerce a conservé le fil conducteur qu’il suit chaque année. Cependant, il a augmenté les quotas afin d’éviter toute pénurie. La grande nouveauté dans le dispositif mis en place pour contrer la hausse des prix lors de ce Ramadhan est un nouveau système d’information au niveau des marchés de gros et de détail mis en place par le ministère du Commerce afin de relever les prix, en temps réel pour les principaux produits d’épicerie, les fruits et légumes et les viandes. «Il s’agit d’un système d’alerte en cas de pics des prix. Pour ce faire, les services du ministère du Commerce ont déjà commencé à relever les prix de plusieurs produits afin de suivre leur évolution. De plus, 8000 agents seront dépêché sur le terrain pour des opérations de contrôle», indique Aït Abderrahmane. Selon ce responsable, ces agents auront aussi pour mission de veiller à ce que l’affichage des prix soit respecté ainsi que la qualité des produits. Pour Souhil Meddah, les mesures de suivi annoncées par le ministre du Commerce sont intéressantes dans le sens où elles vont s’appuyer sur une exploitation des données en temps réel, mais faut-il encore qu’elles arrivent à couvrir l’ensemble des régions : «Car 8000 agents c’est en moyenne 5 agents par commune ou 167 agents par wilaya, sachant que si on divise par 5 daïras cela fera 33 agents par daïra. A ce rythme-là, le problème se posera beaucoup plus dans les grandes villes.» Cependant, malgré toutes ces mesures, comment expliquer la perpétuelle hausse des prix durant ce mois sacré ? Régulation Pour l’expert financier Souhil Meddah, la régulation du marché de la consommation pendant le mois de Ramadhan doit suivre et tenir compte de certaines variables, notamment sur le plan du cycle lunaire qui ne coïncide pas toujours avec les mois calendaires classiques, et de ce fait une période qui enregistre des baisses des récoltes n’offre pas les mêmes données que celle qui enregistre des hausses selon les conditions naturelles, ce qui implique que les données sur approvisionnements en amont varient d’une année à une autre. Heureusement donc, ces deux dernières années le Ramadhan coïncide avec une période de récolte. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui laissent les responsables confiants quant à la disponibilité des fruits et légumes. M. Aït Abderrahmane confie : «Cette année encore, le Ramadhan coïncide avec la période de récolte. Il ne devrait pas y avoir de souci au niveau des prix étant donné que les fruits et légumes de saison seront disponibles.» Un avis partagé par El Hadj Tahar Boulenouar qui soutient : «Etant donné que le mois sacré débute la deuxième quinzaine de mai, soit en plein mois de récolte, qui s’étend de mai à fin août, il n’y aura pas de pénurie.» De son côté, l’expert agricole Akli Moussouni s’attend à «une fièvre timide» pour les achats en début de Ramadan, mais qui va s’estomper au bout de quelques jours. «Au-delà du mois sacré, la dégringolade des prix des produits agricoles va engendrer progressivement des pertes pour les agriculteurs qui vont réduire les surfaces cultivées, ce qui va installer un cercle vicieux infernal entre le consommateur et le producteur», assure-t-il. Partenariat Selon M. Moussouni, il ne peut exister de partenariat gagnant-gagnant entre le consommateur et le producteur étant donné que ce dernier n’est pas identifié et agit en dehors de toute planification : «L’Algérie n’a introduit aucun mécanisme organisationnel et matériel (plateformes logistiques) entre les deux parties. On ne peut donc pas imaginer des concepts tel que le partenariat dans un contexte anarchique où il serait impossible de les appliquer.» Mais concrètement, les assurances du Gouvernement et les dispositions prises sont-elles suffisantes pour décourager la spéculation ? Pas sûr, selon El Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA) : «Ils pensent que les prix sont déterminés par les services de contrôle, or ce n’est pas le cas car leur rôle se limite à veiller à ce que la loi soit appliquée. Tous les produits non subventionnés sont libres de tarification.» Pour Hadj Tahar Boulenouar c’est la loi de l’offre et la demande qui fixe réellement les prix. Pour Souhil Meddah, les résultats de toutes ces dispositions ne sont pas probants étant donné que les pouvoirs publics s’intéressent souvent aux données qui concernent l’approvisionnement de début de processus pour les opérations manufacturières et pour la production agricole auprès des exploitations. Cependant, une maîtrise de la demande du consommateur ne se limite pas uniquement au niveau de l’amont, mais va encore plus loin jusqu’à la vente finale sur le marché de détail en passant les différentes chaînes de transfert. Spéculateurs M. Meddah ajoute : «Il y a un autre effet de main invisible qui est attaché au changement du comportement individuel de chaque consommateur durant cette période qui ne permet de garder une cadence linéaire des transactions durant tout le mois, il implique de ce fait l’enregistrement d’un pic important à la veille du mois de Ramadhan pour certaines catégories de produits suivi pour d’autres aussi en période fin de la fin du mois.» Si les spéculateurs ne sont pas découragés c’est parce qu’il existe différentes failles constatées sur le marché de détail. Ces sources sont actionnées tout au long de la période qui précède l’arrivée du mois sacré, surtout pour les produits qui enregistrent beaucoup de variations en quantité et en valeur durant l’année. Les éléments contribuant à ce type de faille peuvent se diviser en trois grands segments. «Le premier concerne l’évolution de la demande avant sa stabilisation en milieu du mois, car cette hausse brutale de la demande provoquera de facto un effet d’insuffisance et ensuite de blocage de la chaîne sur la disponibilité des produits demandés», explique Souhil Meddah. Le deuxième élément, selon lui, s’applique sur le niveau de l’offre relative aux variations des prix lors des mois qui précèdent le Ramadhan. Anticipation «Le troisième élément réside dans le bon fonctionnement de la chaîne de distribution et qui répond aux questions des deux précédents éléments tout en intégrant le rôle des intermédiaires imprudents dans le sens ou l’évaluation de leurs gains s’appuie toujours sur un modèle d’endossement des coûts projetés sur de futures périodes plus longues», ajoute-t-il. C’est pour toutes ces raisons que Souhil Meddah estime que globalement, la régulation doit se faire durant une période plus longue en insistant sur le principe d’anticipation sur la trajectoire très équilibrée entre les besoins et les cadences d’approvisionnement. Un dernier élément, et non des moindres, qui joue énormément sur les tarifs : le comportement du consommateur. En effet, à l’approche du Ramadhan, les Algériens ont la fâcheuse habitude de faire les stocks de produits alimentaires. «C’est le mauvais comportement du consommateur qui fait pencher la balance des prix. Il ne sert a rien de faire des stocks de guerre», assure Hadj Tahar Boulenouar. Pour Souhil Meddah, le consommateur doit s’éloigner de l’idée de vouloir posséder un stock de sécurité chez lui et de considérer le mois de Ramadhan comme une étape exceptionnelle : «La culture du consommateur joue beaucoup sur les tendances d’anticipation et les évolutions d’équilibres d’un marché donné, et le consommateur demeure toujours le détenteur du premier voyant d’alerte.» Aïd El Fitr Le représentant du ministère du Commerce, M. Aït Abderrahmane assure : «Il faut que les consommateurs sachent qu’il n’y a pas de raison de s’affoler. Tout est prêt. On ne s’attend pas à une quelconque pénurie. Ca ne sert à rien de faire des achats en masse une semaine avant le Ramadhan.» Par ailleurs, en ce qui concerne la masse d’achats qui précède l’Aïd El Fitr, qui contribue aussi à alimenter la psychose et par conséquent faire monter les prix en flèche, il faut savoir que le ministère du Commerce a d’ores et déjà commencé à établir la liste des commerçants chargés de la permanence. «Cette année, on cherche à réquisitionner encore plus de commerçants que l’an dernier , où ils étaient au nombre de 35 000», confie M. Aït Abderrahmane. Il n’y a donc pas de raison de s’affoler. Aussi, les commerçants qui se s’octroient quelques jours de congé, sans aucun préavis, juste après le Ramadhan, n’auront as la possibilité de le faire cette année. En effet, une nouvelle disposition ajoutée à la loi 04-08 relative a l’exercice commercial réprimandera tout commerçant qui fermera boutique après l’Aïd, comme cela s’est passé l’année passée, par des poursuites judiciaires et même une fermeture administrative.
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