Selon le dernier rapport du département d’Etat américain sur les droits de l’homme en Algérie, il existerait «160 détenus politiques» dans les prisons algériennes, ce que «le gouvernement continue de nier». L’ambassade américaine à Alger rejette la paternité de cette affirmation en l’imputant à une ONG algérienne, qui «défend les personnes condamnées pour des faits de terrorisme» et qui n’auraient pas bénéficié des dispositions de la charte pour la réconciliation… Le dernier rapport du département d’Etat américain sur les droits de l’homme en Algérie n’a pas fait réagir les autorités, qui estiment son contenu largement favorable. Cela sous-entend que toutes les données qu’il a rendues publiques, il y a quelques jours, sont avérées. Pourtant, le rapport fait état de l’existence de 160 détenus politiques qui croupissent depuis plus de 27 ans dans les prisons algériennes. La référence à ces prisonniers se trouve dans un seul paragraphe de ce rapport de plusieurs dizaines de pages, rendu public à Washington. «Le gouvernement continue de nier que 160 personnes, qui demeurent incarcérées depuis les années 1990, sont des prisonniers politiques, et a affirmé qu’elles ne sont pas éligibles pour être graciées dans le cadre de la charte pour la paix et la réconciliation, car elles ont commis des crimes violents durant le conflit interne», lit-on dans le document. Ayant été, durant des années, à la tête de la Commission consultative de défense et de promotion des droits de l’homme, Me Farouk Ksentini est formel : «Il n’y a pas de détenus politiques en Algérie.» Il explique : «La notion de détenu politique est claire. C’est une personne incarcérée pour ses opinions politiques qu’il défend sans recourir ou appeler à la violence.» Me Ksentini précise que ce chiffre de 160 a été évoqué par une association qui défendait les détenus. «Il s’agit de personnes condamnées, durant les années 1990, pour des actes de terrorisme et qui n’étaient pas éligibles aux dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation qui excluent les auteurs d’attentats à l’explosif, de viols et de massacres collectifs de l’amnistie. Donc nous ne sommes pas dans la catégorie des détenus politiques.» Me Boudjemaa Ghechir, membre du bureau exécutif du réseau des démocrates dans le monde arabe et ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’homme, abonde dans le même sens. «C’est un chiffre qui ne concerne pas les détenus politiques définis en tant que tel. Il s’agit des prisonniers condamnés pour des affaires de terrorisme mais exclus du dispositif de la grâce prévu par la charte pour la réconciliation. Mais depuis quelque temps, l’association, qui les défend, aborde la problématique de leur maintien en prison sous l’angle humanitaire. Elle estime que ces prisonniers sont trop vieux et affaiblis par les maladies pour terminer leur vie en prison», note Me Boudjemaa Ghechir. Cependant, il tient à préciser que le rapport du département américain comporte «beaucoup de changements de ton». Selon lui, «il tend à rejoindre les positions des pays européens, qui font plutôt dans le constat sans interférence. Durant 2017, il n’y a eu aucune intervention de l’ambassade américaine à Alger, dans les affaires liées aux libertés syndicales, de presse, d’opinion ou autres, sauf pour le cas des Ahmadis, arrêtés et qui ont retrouvé la liberté grâce aux bons offices des diplomates américains». Contacté, un responsable de l’ambassade américaine à Alger rejette toute paternité de cette affirmation sur l’existence de détenus politiques en Algérie, et encore moins sur leur nombre, en disant : «Il s’agit juste d’une citation qui existait déjà dans le rapport de l’année 2015, et qui appartient à un responsable d’une ONG algérienne qui travaille sur les détenus condamnés pour terrorisme durant les années 1990 et qui n’ont pas bénéficié des dispositions de la charte pour la réconciliation. Comme nous n’avons pas fait d’enquête sur ce nombre, il a été mentionné et repris cette année, parce que le gouvernement a donné une réponse jugée importante. En fait, ce sont des personnes condamnées pour des actes de terrorisme et qui n’ouvrent pas droit aux dispositions de la grâce.» Notre interlocuteur a, par ailleurs, mis l’accent sur «les changements» apportés au dernier rapport : «Vous avez remarqué que cette année, le contenu du rapport pour l’année 2017 n’est pas comme celui de 2016, et il est certain qu’il y aura du nouveau dans celui de 2018 en raison des changements opérés par le gouvernement algérien.» Mais il s’est abstenu de faire un quelconque commentaire sur le cas des Ahmadis, préférant insister sur les «relations étroites» qui lient son pays à l’Algérie. A la lumière des propos des uns et des autres, la question des détenus politiques en Algérie ne se pose plus, ceux qui l’évoquent confondent entre les personnes qui recourent à la violence armée et celles qui défendent leurs opinions pacifiquement.
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