jeudi 24 mai 2018

Des réseaux mafieux très puissants

Une demande inextinguible, des profits énormes et des risques limités : voilà les raisons qui motivent les nombreuses filières de passeurs qui ont pris en main le transport des clandestins africains vers l’Algérie. Ces groupes sont aujourd’hui tellement puissants que le Niger, qui est tout à la fois un pays de départ et de transit, avoue son impuissance à les combattre et demande l’aide des pays voisins et de l’ONU. «L’importance du nombre de populations qui se déplacent a attiré l’attention de trafiquants en tous genres, d’acteurs de la criminalité transfrontalière, mais aussi de chefs terroristes», expliquent des experts. Un business qui rapporte tellement d’argent – on parle de plusieurs centaines de millions d’euros – qu’il a amené une sophistication des filières qui sont de plus en plus le fait de réseaux professionnels, organisés comme des agences de voyages assurant dorénavant le transport jusqu’à destination, alors que par le passé les clandestins étaient souvent contraints de payer plusieurs passeurs. Aujourd’hui, les filières sont divisées en deux groupes agissant parallèlement : le premier dépose les clandestins à la frontière, puis un autre groupe, souvent constitué de locaux, les prends en charge jusqu’à leur destination finale. «L’histoire des migrations est celle d’une professionnalisation progressive des passeurs», indique un rapport publié par l’Organisation internationale des migrations (OIM) basée à Genève. «Désormais, l’action des passeurs va des activités artisanales à des opérations très professionnelles, souvent une combinaison des deux», note l’OIM. Dans cette lutte contre les filières clandestines, les services de sécurité algériens tentent de porter des coups. Au mois d’avril dernier, ils sont parvenus à neutraliser une bande ayant à son actif plusieurs opérations d’acheminement de migrants subsahariens. «L’opération a permis de neutraliser une bande spécialisée dans la traite humaine ayant œuvré maintes fois dans des opérations d’acheminement de migrants subsahariens», rapporte le quotidien Le Soir d’Algérie. En réalité, la lutte contre ces réseaux sera longue et difficile. «Les filières fonctionnent comme une rivière qui dévie son cours d’eau quand elle subit une avarie pour aller se jeter ailleurs», affirme Mohamed Saïb Musette, directeur de recherche au Créad et spécialiste des questions migratoires. «Quand les filières de passeurs sont démantelées, elles se réorganisent et trouvent d’autres points d’entrée.» Tant qu’il y a une demande pour l’immigration irrégulière, il y aura des gens pour l’exploiter. Et pour combattre les réseaux, l’Algérie a tout intérêt à rapidement organiser une migration régulière, seule issue pour combattre l’immigration clandestine. Car comme le rappelle Mohamed Saïd Musette, «si vous ne le faites pas, quelqu’un d’autre le fera pour vous».

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