jeudi 24 mai 2018

Migrants subsahariens : L’Algérie mal préparée

Confrontée à la montée en puissance du phénomène migratoire de la part des pays subsahariens, l’Algérie, critiquée pour sa gestion jugée hasardeuse de la question, se voit obligée de revoir sa politique improvisée au profit d’une stratégie globale à même de dégager des solutions qui soient en adéquation avec le respect des droits humains. Selon le droit international des droits de l’homme, les migrants ne doivent pas être arrêtés ou détenus arbitrairement et, en cas d’arrestation, de détention et d’expulsion, des garanties de procédure — y compris le droit à l’assistance et au conseil juridique, le droit à l’information et le droit à un recours — doivent être respectés. Mission accomplie pour le gouvernement Bouteflika dont la politique antimigration subsaharienne vient d’être copieusement dénoncée par l’Organisation des Nations unies. Ce mardi à Genève, au palais Wilson, siège du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), ce fut presque le procès/couperet de l’Etat algérien accusé d’avoir délibérément failli à ses engagements internationaux en matière de protection des droits des migrants. Sur le ton de l’injonction, l’Algérie est appelée, séance tenante, à «cesser les expulsions collectives» de migrants en provenance de pays d’Afrique subsaharienne.  Le HCDH estime, faute de chiffres exacts, à «plusieurs milliers» le nombre de migrants arbitrairement reconduits aux frontières sud du pays. Livrée en l’état, brute, sans euphémisme ni vernis diplomatique, la réaction de l’ONU témoigne du seuil de l’intolérable allègrement franchi par les autorités algériennes, championnes de l’«unité africaine», réputées incollables sur les questions de la solidarité panafricaine, de l’«axe Sud/Sud» et autres contes africains. L’ONU parle de «conditions de détention inhumaines et dégradantes», de «rafles massives de migrants»… de «crainte  que la campagne d’expulsion ne favorise le racisme et la xénophobie à l’encontre des Africains subsahariens». Dans sa note à la presse, la porte-parole du Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, Ravina Shamdasani, évoque une «situation profondément alarmante», arguant, dans son constat, des témoignages recueillis par les équipes du HCDH notamment au Niger (à Agadez, Arlit et Niamey) auprès de migrants expulsés. «L’expulsion collective des migrants, sans évaluation individuelle ou garantie de procédure, est profondément alarmante et contraire aux obligations de l’Algérie en vertu du droit international des droits de l’homme, notamment la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, que l’Algérie a ratifiée.» Selon le droit international des droits de l’homme, a rappelé la porte-parole du HCDH, les migrants ne doivent pas être arrêtés ou détenus arbitrairement et, en cas d’arrestation, de détention et d’expulsion, des garanties de procédure, y compris le droit à l’assistance et au conseil juridique, le droit à l’information et le droit à un recours, doivent être respectés. Ils ne doivent pas être arbitrairement privés de biens ou de documents. Les retours ne doivent être effectués que conformément au droit international, dans des conditions de sécurité et avec dignité. La fonctionnaire onusienne donne de la voix au sordide de la condition de migrant en terre algérienne : «Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que la plupart des personnes à qui nous avons parlé ont déclaré qu’elles n’étaient pas soumises à des évaluations individualisées, qu’elles n’avaient pas été informées des raisons de leur détention et qu’elles n’avaient pas non plus été autorisées à ramasser leurs effets personnels, passeports ou argent avant d’être expulsées. Beaucoup ont dû laisser derrière eux tout ce qu’ils possédaient. (…) Alors que certains ont été rapidement transférés au Niger, d’autres ont été détenus dans des bases militaires à Blida et à Zéralda ou dans un complexe à Oran avant d’être transférés à Tamanrasset. Les conditions de détention seraient inhumaines et dégradantes. De Tamanrasset, les Nigériens sont transférés en bus à Agadez, tandis que les autres sont entassés dans de gros camions pour être transférés à la frontière nigérienne où ils sont abandonnés et laissés à marcher pendant des heures dans la chaleur du désert pour traverser la frontière nigérienne. Nous avons entendu des témoignages indiquant que les migrants qui restent en Algérie sont, évidemment, très effrayés.» Ce réveil onusien, après des années de silence complice, vient en appoint au discours officiel à la rhétorique nationaliste xénophobe de certains hauts dirigeants algériens résolument antimigrants. D’anthologie, les propos suintant le racisme de l’actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et du ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, sur les migrants «source de criminalité», de «maladies», d’«insécurité» et de «tous types de fléaux» ont fait leur effet au sein des agences onusiennes. Prison sans mirador, exportatrice nette de harraga bio, l’Algérie valse entre pays de transit et terre d’immigration. Nonobstant son caractère exécrable de pays fermé, sa politique des visas octroyés à dose homéopathique, l’absence d’une loi d’asile (et d’immigration) et d’un dispositif d’insertion socioprofessionnelle des migrants, d’un code de la  nationalité accessible, l’Algérie accueille pourtant, tant bien que mal, quelque… 100 000 migrants subsahariens en situation irrégulière. Un «miracle» que l’histoire de la plaque africaine a décidément du mal à tolérer.  

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