mercredi 23 mai 2018

«On veut faire de l’APN une assemblée aphone»

Le projet de règlement intérieur de l’APN, qui a été élaboré et discuté dans la précipitation et dans l’ombre, traduit une volonté de réduire l’APN à une «vulgaire» chambre d’enregistrement. Pour la première fois, l’opposition et la majorité parlementaire se trouvent sur la même longueur d’onde. Jamais un projet de loi n’avait fait autant consensus entre les deux bords. Mêmes inquiétudes et mêmes appréciations. Le projet de règlement intérieur de l’APN, qui a été élaboré et discuté, selon les députés, dans la précipitation et dans l’ombre, traduit une volonté de réduire l’APN à une «vulgaire» chambre d’enregistrement. Reporté à maintes reprises, ce projet revêt pourtant une importance majeure. Hier, au deuxième et dernier jour des débats autour de ce texte, les députés de l’opposition, en communion, l’ont rejeté dans le fond et dans la forme, estimant que son contenu est en contradiction totale avec les dispositions de la Loi fondamentale du pays, notamment l’article relatif à l’opposition parlementaire, et qui a été occultée dans le texte. Mieux, les intervenants, au nombre de 119 et de différentes obédiences, ont tous critiqué ce texte, le qualifiant d’«anticonstitutionnel» et certaines de ses dispositions d’«humiliantes». «Comment les rédacteurs de ce projet ont-il osé ignorer la Constitution dans plusieurs de ses aspects ? Qui est à l’origine des changements opérés à ce texte ?» sont autant de questions que se sont posées les députés. Pour les parlementaires du PT, ce règlement intérieur est conçu pour maintenir l’Assemblée dans un état «comateux» afin de mettre l’opposition parlementaire dans une situation d’inertie et hors d’état de nuire et laisser, par là même, libre cours à l’Exécutif et aux pouvoirs publics. Pour le RCD, ce projet est contraire aux valeurs démocratiques et aux exigences de l’Algérie du XXIe siècle. «Qu’en est-il de la place réservée à l’opposition parlementaire pourtant longtemps chantée par conjonctures dans les discours officiels ?» s’est interrogé Atmane Mazouz, député de cette formation. Il sait qu’une mesure renforçant le rôle de l’opposition n’arrangera pas le fonctionnement à sens unique d’une Assemblée issue de la fraude, «sinon pourquoi vouloir museler toute l’opposition dans ce règlement intérieur ?» Pour cet élu du RCD, il y a une volonté manifeste d’ignorer le phénomène de l’absentéisme récurrent des parlementaires aux travaux de l’APN, se contentant juste de sanctions de principe inapplicables en pratique. «N’est-il pas imposé dans la Constitution aux députés de se consacrer pleinement à l’exercice de leur mandat ?» se demande le député du RCD qui propose de rehausser le rôle de cette institution, en osant révolutionner son fonctionnement. Les députés ont proposé plus de 130 amendements, une première en la matière. Le groupe parlementaire du PT a présenté 36 amendements, pour annuler, expliquent ses membres, tous les aspects autoritaires «antidémocratiques» et «anticonstitutionnels» contenus dans ce projet de loi «réactionnaire». Le FJD pour sa part a formulé 42 amendements. De même pour le MSP. Le député du RND, Guidji Mohamed, a déposé à lui seul 13 amendements. Les députés de ce parti ont fustigé les dispositions relatives aux mesures disciplinaires et surtout les sanctions prévues dans le projet de loi. Ils pensent que les termes adoptés dans la mouture concernant les peines (est privé, fait obligation, est déduit et tant d’autres) sont «inappropriés», Pour la députée Noura Labiod, du RND, la question des absences est, d’abord, un engagement constitutionnel et moral et les chefs des partis politiques sont appelés à assumer la responsabilité dans ce sens. Hamdadouche du MSP dénonce une régression inégale, et Ramdane Taazibt du PT s’interroge : qui veut réduire l’APN à une assemblée «aphone» consacrant une régression tous azimuts ? Tout a été fait pour empêcher tout débat et bloquer toute initiative parlementaire susceptible de déranger un tant soit peu l’Exécutif et le statu quo actuel. Les députés du PT, du RCD et du MSP ont relevé l’absence d’articles sur la langue amazighe et suggéré le recours aux interprètes simultanés lors des séances de travaux, dans les deux langues, arabe et amazighe, et se sont interrogés sur la chaîne de télévision parlementaire dont le projet de création remonte à plus de 13 ans. «Le citoyen a le droit de suivre les débats parlementaires et de savoir ce qui se passe dans l’hémicycle. C’est de cette façon que l’on peut juger le travail du député», affirme Taazibt. Des députés du FLN ont réclamé une augmentation de salaire, alors que d’autres ont dénoncé la ségrégation en matière de distribution des missions à l’étranger. Notons que le vote autour de ce projet interviendra le 4 juin prochain.

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