Chaque peuple a ses propres repères socioculturels attachés à un espace et à un environnement, qui font son identité et sa singularité. Le peuple amazigh a ses propres coutumes et traditions qui remontent à des millénaires. Il est l’un des plus anciens peuples agricole du monde. La plupart des Berbères étant sédentaires, la vie quotidienne est rythmée par les travaux de la terre. Yennayer est donc symbolisé par sa relation avec ces besognes et les cycles des saisons qui sont célébrés par des rites et coutumes, selon les spécificités de chaque région, et qui témoignent d’une communion étroite et harmonieuse entre tous ces éléments naturels. Héritage d’un passé séculaire, Yennayer, incontestablement d’origine païenne, était tout particulièrement célébré par les «paganus» ou paysans, et ce, depuis la plus haute antiquité, en relation avec les rites agraires très pratiqués dans tout le pourtour méditerranéen. Yennayer correspond au mois de janvier latin, Januarius Mensis, qui tire son nom de Janus (anuarius), à la fois Dieu et gardien des portes, qui a donné son nom au premier mois de l’année, celui par lequel elle s’ouvre, à partir du solstice d’hiver. Les portes solsticiales donnent accès aux deux moitiés (ascendante et descendante) du cycle zodiacal. Le premier jour de Yennayer est le début, la tête de l’année (aqerru useggwas). C’est improprement qu’on le nomme, souvent du reste, la porte de l’année (tabburt useggwas). Le premier Yennayer, ou plus simplement Yennayer, est un jour très important, à tel point qu’on le place en certains endroits, comme à Taourirt Ath Menguellet, parmi les solennités communautaires (leewaser). La célébration de Yennayer est marquée par deux rites principaux. Le premier est l’immolation d’un volatile, sacrifice propitiatoire destiné à écarter de la nouvelle année les éventualités dangereuses ou pernicieuses (el musayeb) ; le second est le souper de Yennayer, qui ne saurait en aucune façon être pris au jour de l’incidence, mais avant ou après le premier. Abondance Un rite préfigurant, en raison de la vertu homéopathique, l’abondance pour tout le cours de l’année qui commence. C’est dans cette optique que l’on tient, ce jour-là, à avoir ses récipients bien garnis (anwneccar lehwal - Taourirt Ath Menguellet). Mais c’est surtout en faisant un repas copieux, le «souper de l’année» (imensi useggwas), que l’on obtiendra le résultat souhaité. La composition du souper est laissée aux disponibilités de chacun. Ce sera dans la plupart des cas un copieux couscous dans le bouillon duquel on mettra des légumes secs et des volailles immolées. Au premier plat de couscous garni (on dit parfois «premier souper»), on peut en ajouter un second constitué de crêpes (aheddur, tiyrifin, asebbwad) ou des beignets (lesfeng). A Djemâa-Saharidj, les beignets sont réservés au souper du lendemain. Le souper de l’année est un repas de fête familial. On met donc de côté la part des filles mariées au dehors afin de la leur porter. De plus, en certains endroits, on mangera tous ensemble, hommes et femmes réunis autour du même plat. On dispose même les cuillères des absents à Ath Menguellet. Pour attirer la bénédiction, ou plus simplement pour ne pas en briser le cours si bien inauguré, on ne vide pas complètement le plat du souper, on ne nettoie les ustensiles et on ne balaie que le lendemain. Immolation de coqs, souper plus copieux, tels sont les rites principaux et encore généralement observés qui marquent le début de l’année julienne agraire. Il peut, localement, s’y adjoindre d’autres. Notamment des rites de prophylaxie corporelle, comme la première tonte des enfants en bas âge comme à Djemaâ Saharidj et Taourirt Mimoun, cérémonie d’ordinaire faite pour Lcezla ggennayer, au milieu du mois, ou alors le renforcement de la vue (ad sehhint wallen) par l’application sur les sourcils de «larmes de genêts» (timmi s imetti uzezzu) ; celles-ci sont obtenues en brûlant une branche verte de genêts. Quand la combustion est bien avancée, il s’en écoule des gouttes de liquide noirâtre, que l’on recueille sur une pierre à aiguiser ou à piler, ou sur une hachette. Mi-yennayer La mi-Yennayer (leezla ggennayer) (21-23 Yennayer) est considérée comme étant d’une particulière importance pour la vie des enfants et des champs. A tel point que certains lui réservent à elle seule le nom du mois tout entier, Yennayer. La mi-Yennayer est marquée par deux rites principaux ordonnés le premier à la bonne croissance des tout-petits, le second à la protection des cultures et des plantations contre les vers. Le rite en faveur de la bonne croissance des enfants consiste en la première coupe de leurs cheveux (asettel). Pour le poupon âgé de moins d’un an, cette première coupe sera plutôt symbolique. On se contentera de lui prélever une ou plusieurs mèches de cheveux sur la tempe droite ou le devant de la tête. Cette opération sera faite par un membre âgé de la famille, le grand-père, le père ou toute autre personne de la parenté. Cela afin que le bébé, lui aussi, vive jusqu’à un âge avancé (akkn ad yiywzif leemris). On devra utiliser pour la première coupe un rasoir et non pas des ciseaux, sans quoi les mains de l’enfant deviendraient préhensives comme les branches de cet instrument : plus tard ce serait un cleptomane ou un voleur ! On choisit également la mi-Yennayer pour faire la première tonte des cheveux de l’enfant âgé de plus d’un an. On la fera souvent en forme de couronne. La cérémonie de la première tonte donne lieu à une fête de famille qui comporte un souper spécial, composé d’un couscous aux fèves avec de la viande. L’achat d’une tête de bœuf (aqerru bbwezger) à l’occasion de la première coupe de cheveux semble dépendre du symbolisme que l’on attache à cette pratique. Y voit-on le présage de la place importante souhaitée pour le fils au sein du village (akkn ad yuyal d aqerru) ? on se la procure à Taourirt Ath Menguellet, Taguemount Azzouz et Taourirt Mimoun.
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