vendredi 20 avril 2018

Printemps noir… la douleur est toujours là

17 ans après, le 18 avril 2001, nous commémorons le Printemps noir, le jour où le jeune Massinissa Guermah est mortellement blessé par balle. Elément déclencheur de Thafsut tavarkant. Des manifestations, des émeutes, des morts… une révolte. La plateforme d’El Kseur était née. Point avec les leaders. Mercredi 18 avril à Tizi Ouzou, à Aguni Arus, à Tizi Hibel, à Beni Douala. C’est un père encore abattu, triste, fatigué et aujourd’hui encore plus malade. Khaled Guermah se recueille en compagnie de plusieurs groupes de membres d’associations, de citoyens, d’amis et proches sur la tombe de son fils. Massinissa, assassiné le 18 avril 2001, à la veille de la commémoration du Printemps berbère, par des gendarmes. Un assassinat qui a ouvert un épisode sanglant en Kabylie. C’est le Printemps noir. On dénombre 126 jeunes morts, des milliers de blessés mais surtout des personnes handicapés. Des événements sanglants qui ont duré des mois. Aujourd’hui, c’est encore un souvenir douloureux au goût d’inachevé pour la famille Guermah, qui réclame encore «justice». Pour le papa, il ne s’agit pas seulement du gendarme qui a tiré sur son fils mais de ceux «qui ont donné l’ordre» qui doivent être punis. Le document envoyé en 2003 par les autorités locales de Tizi Ouzou où le statut de «martyr» est attribué à Massinissa, qui aujourd’hui aurait eu 37 ans, ne le soulage pas. Les acquis de tamazight comme langue nationale officielle, l’officialisation de Yennayer, tamazight di lacul non plus, si ce n’est une «satisfaction relative» à une identité pour laquelle a fortement payé le prix. Khaled Guermah s’est livré à El Watan week-end. «La situation s’aggrave de plus en plus. Le sentiment de douleur et d’injustice me hante. Je vis encore le choc. A chaque coin du village, ses amis, aujourd’hui tous mariés et qui ont des enfants, me rappellent ce fils perdu», témoigne Khaled Guermah.  La justice ? «Elle n’existe malheureusement pas en Algérie», nous répond-il. Justice «Ma vie s’est brisée à la mort de mon fils, même si je sais que je ne suis pas le seul.» L’idée de se constituer en association ne trouve pas encore son chemin, même si Belaid Abrika, un des leaders du mouvement des arch, affirme que cette option se fera tôt ou tard, «ne serait ce que pour préserver la mémoire de ces martyrs». Une mémoire que Guermah est certain que la Kabylie préservera, mais il a tout de même quelques inquiétudes sur la nouvelle génération : «Quand je rencontre des jeunes, des adolescents nés après 2001, je leur demande ce que signifie pour eux le 18 avril... Ils ne savent pas !» Un pincement au cœur. Le père de Massinissa ajoute : «Je suis persuadé qu’il s’agit bien du symbole d’une révolte et d’une région.» La révolte d’une région qui a fait des victimes, mais qui a aussi apporté des acquis, même s’il y a eu «perte de temps». Amertume Noureddine Mezzala, co-rédacteur de la plateforme d’El Kseur, délégué de Boumerdès et un des rapporteurs de la délégation chargée des négociations avec le gouvernement à l’époque, évoque un sentiment d’«amertume». «17 ans, j’estime qu’on a mis beaucoup de temps pour reconnaître Yennayer et officialiser tamazight. Il y a eu perte de temps alors que tout ce qui est venus ces dernières années étaient inscrits dans la plateforme d’EL Kseur», précise-t-il, en rappelant que cette plateforme était «une et indivisible». Un concept sur lequel Mezzala insiste beaucoup, en évoquant aussi tamazight comme un «ciment». 17 ans plus tard, Mezzala parle d’une «satisfaction objective» des revendications car la plupart sont restées sur la table des négociations et sont «périodiquement traitées», comme par exemple le rapport Issaad, Yennayer ou l’officialisation de tamazight. Mais c’est «un acquis historique et civilisationel puisqu’il était un des points phares de la plateforme», selon Belaid Abrika. Une structure qui n’est aujourd’hui pas visible ou qui n’existe plus. «Un mouvement qui aurait dû être destitué en janvier 2005, à l’issue de la réunion avec le chef du gouvernement de l’époque, pour la mise en œuvre et la concrétisation de la plateforme». C’est du moins l’avis de Mezzala, qui ajoute :«Ce mouvement transparaissant a même trop duré» puisque c’est un peu dans la «mission accomplie». Et c’est au peuple de reprendre le relais et le flambeau. Continuité Mais Belaid Abrika développe une autre réflexion dans le sens où l’objectif de l’alternance démocratique, l’égalité, la justice, la lutte contre l’impunité ne sont pas encore atteints. Mais aussi la deuxième République. C’est-à-dire un mouvement citoyen, dont la dynamique n’a rien à se reprocher, a encore du travail à concrétiser. «Cette génération de jeunes a sa place dans ces perspectives d’équilibre et c’est d’ailleurs ce à quoi songe le mouvement citoyen», dit Abrika. Il est aussi attaché, explique Abrika, «à la question liée à l’impunité des responsables toujours au pouvoir et en dehors du pouvoir. Nous insistons pour qu’ils soient traduit devant le tribunal». Mais un mouvement qui a eu le mérite d’avoir existé, selon Noureddine Mezzala et «aucune lutte n’est perdue». Aussi dit-il, en soutenant les propos d’Abrika, il n’y a que les «luttes qui ne sont pas engagées qui sont perdues». «Ce n’est pas un combat vain, comme certains veulent le transformer aujourd’hui. Nous nous sommes battus dans la rue, sur la table des discussions. Dans tout mouvement y a des points négatifs et d’autres positifs. Mais il reste un mouvement repère de citoyenneté en Algérie. Un élément déclencheur d’une seconde République que nous voulons. Ceux qui sont morts l’ont fait pour l’honneur, la dignité et la liberté.» Il insiste : «Il y a ceux qui se limitent à la symbolique et ceux qui inscrivent la revendication de tamazight comme projet de société.»  

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