Sous le titre : «Economie de rente et culture rentière», le 36e numéro de la revue Naqd, qui vient de paraître, s’attache à disséquer un mal profond de notre système politico-économique : sa dépendance organique de la rente pétrolière, avec ses inséparables sœurs jumelles : la corruption et l’hégémonie politique. «Parmi les problèmes les plus importants que nos sociétés ont à résoudre, c’est la prégnance de l’économie de rente dont la persistance finit par avoir un effet dans la culture dominante. Tout semble se passer comme si, depuis des générations, une part importante des populations des Etats rentiers vit d’un revenu sans équivalent travail», écrit Daho Djerbal dans la présentation de ce nouveau numéro de la revue d’études et de critique sociale. Le directeur de Naqd poursuit : «La dépendance des Etats de ressources provenant de réserves naturelles, minières ou autres, et leur dépendance par rapport aux marchés extérieurs finissent par avoir un effet dévastateur sur les modes de production et d’échange des richesses.» «L’économie-monde, la globalisation de la production et de la commercialisation des biens ont des conséquences telles que, dans les Etats rentiers, l’échange marchand généralisé devient pour l’essentiel un échange sans équivalent travail. La valeur-travail s’y perd et laisse place à des dérives de toute sorte, dont la corruption et le clientélisme, l’absence de libertés et la violence sociale ne sont pas les moindres conséquences», diagnostique l’historien. Ce 36e numéro est structuré en trois parties. Dans la première partie, intitulée «Histoire et théorie de la rente», on pourra notamment lire l’analyse très pointue de Smaïl Goumeziane : «La résurrection des rentiers». Dans cette contribution, l’économiste met l’accent sur les liens entre économie rentière, autoritarisme et mal-développement en plaidant pour un «système productif démocratique». Sous le titre : «Global South : transition vers le capitalisme contre la rente», Hartmut Elsenhans, éminent économiste allemand, démontre «l’ubiquité de la rente». «L’objectif prioritaire de cette contribution est de démystifier la rente afin de surmonter ses conséquences néfastes sur les plans politiques et sociaux», écrit-il. Et d’ajouter : «Dans cette perspective, la tâche actuelle des forces du progrès dans les pays du Sud Global est la transition vers une économie de marché d’Etat providence. Autant de marché que possible et autant de planification que nécessaire. Le capitalisme de monopole et les capitalismes financiers apparaissent dans cette perspective comme des dérives anticapitalistes dues au manque d’encadrement politique et social de l’économie de marché.» Pour sa part, l’économiste Youcef Benabdallah décrit en profondeur comment l’Etat algérien a rapidement abandonné ses ambitions «développementistes» pour s’orienter vers un management de type «rentier clientéliste». «Classes moyennes, rente et stagnation» Dans la deuxième section de ce numéro, «La rente dans tous ses états», on pourra apprécier deux études tout aussi pertinentes. La première, signée Rachid Ouaïssa, politiste, professeur à l’université de Marbourg, en Allemagne, se décline sous le titre : «Classes moyennes algériennes, rente et stagnation politique». «Les raisons psychologiques peuvent certes expliquer le calme relatif des Algériens qui semblent assimiler l’ouverture politique au chaos et aux risques d’éclatement social, surtout que le ‘‘printemps arabe’’ n’a apporté aucun résultat encourageant. Cet article se veut une analyse des raisons de la réticence de la population algérienne sous un autre angle. L’hypothèse ici suivie est que les classes moyennes algériennes continuent à former le socle du régime et constituent un facteur essentiel dans le maintien du statu quo», résume l’auteur. L’autre contribution de cette deuxième partie est l’œuvre du sociologue Rachid Sidi Boumedine qui s’est penché sur «la rente dans l’urbanisme et l’immobilier» en montrant comment les instruments d’urbanisme eux-mêmes se révèlent générateurs de rente. La troisième et dernière partie de ce numéro explore les liens entre «violence, clientélisme et corruption». Deux études se déclinent sous cette thématique. La première est de Hannes Warnecke-Berger : «Globalisation de la rente et montée de la violence». Enfin, retenons ce texte d’un politologue russe, Serguei Vladimirovich Biryukov, qui parle de la culture rentière en Russie : «Rente et clientèle dans la Russie du temps présent».
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