Le conflit opposant les médecins résidents en sciences médicales, en grève depuis six mois, au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière prend des proportions alarmantes, qui peuvent être dramatiques pour des centaines d’Algériens qui ont besoin notamment de soins spécialisés et dans les cas d’urgence. Une situation qui ne semble pas déranger pour autant le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le Pr Mokhtar Hasbellaoui, qui a préféré se murer dans un silence inquiétant et esquiver à chaque occasion toutes les questions des journalistes à ce propos, ni le Premier ministre qui a minimisé le problème en traitant les médecins résidents de simples étudiants. Les hôpitaux sont aujourd’hui sous une forte pression et les semblants de solutions proposées par le ministère de la Santé en réquisitionnant des médecins spécialistes et les généralistes pour assurer les gardes et les urgences semblent déjà un échec. Au bout d’une semaine depuis l’arrêt définitif des gardes et du service minimum, les équipes médicales, en l'occurrence les médecins spécialistes, les assistants, maîtres assistants et docents, peinent à terminer les journées, vu la charge de travail à laquelle ils font face. Ils envisagent déjà un arrêt de travail dès aujourd’hui. Les services des urgences dans l’ensemble des structures n’arrivent pas à répondre à toute la demande vu le manque de praticiens spécialisés. «Effectivement, les médecins résidents, vu leur nombre important, abattent un travail considérable dans les différents services durant toute la journée. Ils sont volontaires à faire plusieurs tâches à la fois et aujourd’hui, on se retrouve, suite à cette grève, avec un effectif très réduit de médecins spécialistes, dont certains assurent entre-temps le bloc opératoire, les consultations, l'exploration et l’enseignement pour les étudiants. On arrive à prendre en charge les malades, mais cela ne peut pas durer», nous confie un professeur en médecine d’un CHU de la capitale, qui rappelle que «le problème est dans le fait qu’il n'y a pas beaucoup d’assistants, faute d’ouverture de postes. Il y a plus de résidents que d’assistants dans les services. Les médecins résidents comblent donc le vide et on a toujours fonctionné de cette manière sans penser que cela pouvait arriver un jour». Une réalité qui vient encore une fois mettre à nu tous les dysfonctionnements d’un système depuis longtemps dénoncé par les malades et les personnels de santé toutes catégories confondues. Les malades sont aujourd’hui désemparés. Si certains arrivent quand même à être pris en charge dans la première heure de l’admission, surtout lorsqu’il s’agit de l’urgence, d’autres sont simplement renvoyés ou orientés vers d’autres structures, notamment de proximité. «Nous vivons une situation intenable et jamais vécue dans toute l’histoire de la médecine algérienne», se plaint un maître assistant d’un service de gynécologie obstétrique, qui affirme être seul à assurer la garde. L’équipe des urgences de l’hôpital Mustapha Bacha est dépassée. «Le nombre de malades qui arrivent semble avoir doublé, voire triplé ces derniers jours. Certains patients sont carrément envoyés des autres hôpitaux chez nous pour avoir les soins nécessaires en raison du manque de spécialistes dans les autres services d’urgence», se plaint un médecin spécialiste. La réquisition des médecins généralistes ne semble pas pour autant régler le problème, puisque l’intervention du spécialiste s’impose. «Ce n’est pas avec les médecins généralistes qu’on va faire fonctionner un service de spécialité et continuer à ignorer les revendications des médecins résidents, qui ont été tabassés et humiliés et demeurent sans salaire depuis 6 mois. Il suffit de répondre à leurs revendications, notamment celle relative à l’exemption du service militaire, comme promis par le président de la République en juin 2017, et mettre en place les mesures incitatives, si on veut faire fonctionner le service civil qui a montré ses limites», estime le Pr Kamel Bouzid, chef de service d’oncologie au CPMC. Et de signaler : «Pour le moment, nous avons élaboré un plan de travail avec le directeur de l’établissement pour assurer la continuité des soins pour nos malades, en l’occurrence la chimiothérapie et les consultations, mais il n’est pas possible de continuer à ce rythme.» A l’hôpital de Beni Messous, au service de pédiatrie, il est mentionné, sur une affiche signées par les deux chefs de services que «tout patient âgé de 3 ans et plus ne sera reçu aux urgences de pédiatrie que s’il est muni d’une lettre d’orientation, sauf urgence vitale». Une note qui exige en fait le passage d’abord au centre de tri des urgences de l’hôpital en raison du manque de médecins spécialiste dans le service. Les gestionnaires des établissements de santé publique, quant à eux, confrontés à une forte pression, continuent de faire bonne figure en multipliant les réunions pour parer à toutes les insuffisances exposées au vu et au su de tout le monde et tenter de convaincre que la continuité des soins est assurée sans les médecins résidents.
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