Le satellite espion dernier cri acquis récemment par le Maroc avec l’aide de la France suscite assurément quelques inquiétudes en Algérie. Dans l’absolu, il y a de quoi. Ce petit concentré de haute technologie a la capacité, à en croire la presse marocaine, de passer au crible n’importe quel point du globe et avec une grande précision. Il s’agit indéniablement d’un véritable atout en matière de renseignements militaires. Pour autant, ce gadget de plusieurs centaines de millions d’euros, mis sur orbite le 8 novembre 2017 depuis le pas de tir de Kourou en Guyane française, n’empêche pas l’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) de dormir. Tous les rapports crédibles sur l’équilibre des forces dans la région donnent en effet un sérieux avantage à l’armée algérienne et cela malgré l’acquisition par les services marocains de ce satellite espion. Un satellite qui devrait d’ailleurs bientôt avoir un petit frère. Et du même fabriquant. Non, ce ne sont pas des dernières acquisitions faites par les Forces armées royales (FAR) dont l’Algérie a réellement peur, même si elle en veut à la France de lui avoir donné un coup de poignard dans le dos. Le ressentiment est d’ailleurs partagé également par l’Espagne qui pense que ce satellite avantage le Maroc à son détriment. Aujourd’hui, la plus grande crainte des autorités algériennes semble résulter surtout du fait que plus personne ne sait vraiment qui gouverne le Maroc en l’absence de Mohammed VI, dont les séjours à l’étranger sont devenus de plus en plus fréquents. Durant ces 5 derniers mois, le roi du Maroc, dont tout le monde sait maintenant qu’il a des ennuis de santé assez sérieux, aura passé plus de temps en France que dans son propre pays. Entre-temps, bien malin qui peut dire avec exactitude à qui il a confié, parmi sa pléthore de conseillers, le gouvernail. Son fil n’étant pas encore en âge de gouverner. Un roi absent L’inquiétude est d’autant plus grande que ces absences interviennent à un moment où les indicateurs socioéconomiques du Maroc sont au rouge, d’où d’ailleurs le ras-le-bol général de la population marocaine qui, dans certaines régions du royaume, occupe la rue depuis déjà plusieurs mois. Dans ce contexte hautement inflammable, une mauvaise décision ou une absence de décision est par conséquent susceptible de mettre le feu aux poudres. Forcément tout le monde craint dans la région les dommages collatéraux qui pourraient découler d’un embrasement général. Y compris en Algérie. Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, les Algériens ne souhaitent pas voir le Maroc se transformer en poudrière. Alors qui du gouvernement ou du cabinet de Mohammed VI gère les affaires ? Cette question à laquelle il est déjà difficile de répondre en temps normal n’a pas de réponse satisfaisante pour le moment. Le problème est tellement sérieux que les Américains ont décidé également de garder un œil sur ce pays qu’ils connaissent pourtant très bien. Une source du département d’Etat américain chargée du suivi du «dossier Maroc» avoue à ce propos être «préoccupée» elle aussi par la question de la vacance du pouvoir provoquée par les séjours aussi longs que répétés de Mohammed VI à l’étranger. Guerre de clans Partant de ce constat (absence d’un centre de pouvoir clairement identifié), la même source n’a ainsi pas caché sa crainte de voir des clans rivaux au sein du makhzen régler leurs comptes par manifestants interposés ou carrément en provoquant une escalade militaire dans la région. Comment ? En instrumentalisant par exemple le dossier sahraoui de la manière le plus cynique qui soit. D’une pierre deux coups, cette escalade pourrait bien servir également à détourner l’opinion marocaine de ses problèmes internes, à jauger les capacités militaires de l’Algérie et à maintenir le statu quo dans le conflit sahraoui. Bien que la question du Sahara occidental ne constitue pas pour elles un casus belli, les autorités algériennes se préparent tout de même au pire des scénarios, surtout que le Maroc a effectivement multiplié, ces dernières semaines, les actes de provocation autant à l’égard des sahraouis que de l’Algérie. Ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Du moins pas de la sorte.
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