dimanche 6 mai 2018

Un pas vers la modernisation du secteur et une source de revenus fiscaux non négligeable

Une conférence de haut niveau sur le cadastre multifonctionnel a été organisée jeudi (26 avril) à l'hôtel Méridien d'Oran. Cette initiative est inscrite dans le cadre du programme d’appui à la mise en place de l’accord d’association (P3A) entre l’Algérie et l’Union européenne en tant que projet de jumelage reliant l’Agence nationale algérienne du cadastre (ANC) et la Direction générale française des Finances publiques (DGFiP). A fin décembre 2017, la couverture cadastrale a atteint presque la totalité du territoire mais nécessite une consolidation, sinon cette réalisation perdra de son efficacité, a indiqué le représentant du ministre des Finances qui a appelé à redoubler d’efforts pour atteindre un rythme de maintenance acceptable. «Le travail réalisé mérite d’être mis en lumière, mais il faut maintenant explorer d’autres pistes en fonction des réalités afin de répondre efficacement aux besoins de l’administration et aux attentes des citoyens», a-t-il indiqué en soutenant que les prestations de meilleure qualité générées par l’introduction des nouvelles technologies auront pour conséquences, en plus des retombées fiscales évidentes, de diminuer fortement les litiges liés au foncier mais aussi d’encourager l’investissement. A l’ANC, on estime qu’on est maintenant passé du document cadastral papier vers le document numérique et que, à terme, on se dirigera vers une exploitation via internet. Il est question d’un cadastre général, multifonctionnel, combinant données littérales et géographiques, régulièrement maintenu et adapté à l’ensemble des utilisateurs. Tel est l’objectif à atteindre avec la mise en place d’une base de données nationale sécurisée, la réalisation d’un data center qui lui est dédié ainsi qu’un «Géoportail» pour assurer une meilleure qualité de service en termes de consultations ou de délivrances en ligne, un procédé utile autant pour les rédacteurs d’actes, les géomètres et d’autres utilisateurs. A titre indicatif, l’ANC estime à plus de 4,88 millions le nombre de propriétés (îlots + lots) définies contre 2,5 millions de propriétaires, ce qui a nécessité en tout la saisie de plus de 7,72 millions de fiches. L’Agence a également procédé à la restitution et la vectorisation de 22 785 plans en milieu urbain, 37 213 en milieu rural, ce qui fait un total de plus de 60 000 plans dématérialisés. «Le processus de modernisation des services du cadastre s’oriente vers la multifonctionnalité et ces usages multiples s’inscrivent aussi en droite ligne des orientations du gouvernement en termes de rationalisation des dépenses de l’Etat en évitant les redondances et en économisant le temps et les moyens», a indiqué Radi Mustapha Salim, directeur de l’ANC, pour qui les difficultés rencontrées sur le terrain n’ont pas altéré la volonté d’aller de l’avant. L’exploitation de la donnée cadastrale, notamment par l’administration fiscale, est utile aussi pour une meilleure équité fiscale, car il n’est pas juste qu’un détenteur d’un titre de propriété s’acquitte d’une taxe et que les propriétaires ou les occupants non identifiés en soient de fait exemptés. Il a rappelé qu’après l’indépendance, les deux tiers de la propriété n’étaient pas titrés en Algérie. Un travail colossal a été effectué depuis la création de l’Agence qui a également dû, après 1989, s’adapter aux nouvelles mutations socioéconomiques du pays. La décision d’établir un cadastre général avec institution du livre foncier date du milieu des années 1970. Au fil du temps, beaucoup de moyens ont été mis en œuvre pour aller de plus en plus vers une meilleure précision. A titre indicatif, aujourd’hui, en plus des vues aériennes de qualité supérieure fournies par l’INCT (Institut national de cartographie et de télédétection dépendant du ministère de la Défense nationale) grâce à l’acquisition d’équipements de plus en plus sophistiqués (caméras numériques de très haute définition), l’Algérie dispose désormais également de l’imagerie satellitaire qu’elle produit elle-même. De nouveaux instruments sont là et ne demandent qu’à être mis à contribution. De manière générale, l’«historique» du cadastre depuis l’époque de la dynastie des Almohades a été communiqué par Abdelmadjid Aït Yahiatene, ingénieur d’Etat en sciences géodésiques et actuel directeur régional du cadastre à Sétif. Dans son intervention, il a évoqué la contribution du cadastre dans la réalisation des grands projets, notamment dans le domaine agricole, y compris pour ce qui est de la restitution des terres nationalisées (6380 unités). En contrepartie, il a également prévenu contre les risques liés à la non-prise en compte des données cadastrales. La rencontre se déroulant à Oran, il a évoqué des exemples précis mais significatifs relevés dans cette wilaya (il en existe aussi ailleurs). Aussi étonnant soit-il, le projet de la nouvelle ville dénommée Zabana s’avère avoir été pensé sans tenir compte des limites territoriales des communes d’Oran et d’Es Senia, et on se retrouve désormais avec un bâtiment coupé en deux avec tout ce que cela suppose comme casse-tête administratif. Deux exemples antécédents auraient pourtant pu servir de modèles. Il s’agit de la cité Haï Es Sabah réalisée à cheval entre la commune de Bir El Djir et celle Sidi Chahmi, mais aussi de la cité dite USTO entre la commune d’Oran et celle de Bir El Djir. L’exemple d’un usage multifonctionnel du cadastre a été développé dans la communication de Loïc Gondol, de l’Institut national (français) de l’information géographique et forestière. Cet expert a notamment mis en situation l’usage qu’en feraient du «cadastre numérique» un promoteur immobilier et un simple citoyen désirant réaliser un projet. La masse d’informations fournies englobe les contraintes de type urbanistique, environnemental, juridique, etc. et auxquelles on peut être confronté, mais elles permettent en même temps de réaliser des projets viables tout en évitant à l’avenir les déconvenues, les conflits et même les risques encourus (inondations, accidents industriels, etc.). En France, la taxe foncière est une source de revenus non négligeable, notamment pour les communes. Cet aspect de la fiscalité directe locale a été développé par Bernard Franc, administrateur adjoint des finances publiques à la DGFiP (France) qui a également expliqué l’abandon dans son pays de l’Impôt sur la fortune (ISF) mais au profit de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI). Par ailleurs, content en tant qu’universitaire d’avoir été invité à intervenir lors de cette rencontre, le Pr Bachir Yelles Chaouche a développé l’idée de la pérennité des revenus liés à la fiscalité foncière en général, mais qui reste actuellement très faible en Algérie. Les raisons sont liées, selon lui, à un formalisme excessif et aux conditions jugées difficiles d’accès à la propriété. Il en résulte la prolifération d’une activité informelle, des transactions qui s’opèrent en dehors du circuit légal, privant le Trésor public de revenus conséquents.  

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