Echorouk TV a décidé, depuis le 5 avril, l’arrêt du tournage des deux séries Rais Corso et Ces jours-là (Tilka al ayyam) de «façon définitive» . La décision est justifiée par des «raisons purement financières», est-il précisé dans un communiqué diffusé samedi par Echorouk online. En fin de tournage en Turquie, la série Rais Corso est réalisée par le cinéaste et producteur égyptien Adel Adib. La comédie historique «réalisée à 60%» a bénéficié d’un grand casting : Sid Ahmed Agoumi, Souilah. L’autre série, «Tilka al ayyam », a été confiée à un réalisateur germano-turc, Mohamed Jok, précise le site électronique DIA, et serait prête à la diffusion. Là aussi des acteurs de premier plan étaient de la partie : Nabil Asli, Mustapha Laribi, Hassan Benzerari, Boualem Bennani... Anticipant tous les commentaires sur sa décision qui éclabousse sa grille ramadhanesque, la direction d’Echorouk a averti qu’«elle est la seule autorisée à communiquer sur ce sujet et que toute déclaration d’autres parties ne représente que son auteur et n’engage en rien le groupe de près ou de loin». La chaîne rassure, par ailleurs, tous les artistes et techniciens que «leur situation financière et administrative sera régularisée dans les prochains jours». Des voix à l’intérieur du groupe privé évoquent des «pressions politiques» que justifierait le contenu des scénarios. «C’est un remake de l’épisode de Sultan Achour 10 de Djaâfar Gacem, où le groupe a perdu la publicité étatique (ANEP). Le scénario de Rais Corso parle de succession. Pour la deuxième production tournée entre la France et la Tunisie, le traitement du sujet délicat de la décennie rouge est à l’origine de la décision. Dans les couloirs de la chaîne, on parle également de l’implication de techniciens gulenistes qui aurait déplu dans l’entourage d’Erdogan», détaille un journaliste de la rédaction d’Echorouk, sous le sceau de l’anonymat, affirmant que la production, qui a bénéficié d’une grande distribution et de moyens colossaux, devait coûter au groupe la bagatelle de 30 milliards de centimes. Rédacteur du site DIA, Salim Agar parle d’un «cas unique» dans les annales de la télévision privée algérienne. «On suspend le tournage de deux productions majeures à quelques jours du Ramadhan, au risque d’asphyxier la chaîne. C’est également un échec pour la coproduction entre une télévision turque et une télévision algérienne. La chaîne Echorouk, qui a été leader de l’audience durant les deux dernières années lors du mois de Ramadhan, risquerait d’être totalement effacée durant ce mois sacré, face aux productions lourdes de chaînes comme l’Entv, El Djazairia One, Dzair Tv et Ennahar Tv», estime le journaliste, faisant remarquer que sur le plan artistique, les deux productions annulées auraient supplanté toutes celles qui seront diffusées par les concurrents. Origine et destination des fonds ? Pour Agar, cette situation reflète l’«absence d’informations» sur les sources de financement des chaînes et la source d’alimentation en production : «Le cas Echorouk est un avertissement clair à toutes les chaînes privées sur la relation entre les télévisions algériennes et les pays étrangers.» Selon le réalisateur Amar Tribèche, l’arrêt des productions est un «grand dommage», surtout pour le téléspectateur algérien, car c’est lui qui est pénalisé en premier lieu. «Le directeur de la chaîne est le premier à rendre des comptes et à s’expliquer clairement devant tous les Algériens, car c’est de l’argent du contribuable algérien dont il s’agit, du moment que l’argent du sponsoring est défalqué des impôts algériens ! Donc nos services des impôts ont leur mot à dire dans cette histoire ! L’argent du contribuable sort à l’étranger par des moyens détournés et ce ne sont même pas les professionnels algériens qui en profitent, mais des Turcs, des Egyptiens, des Tunisiens, des Iraniens... Ces chaînes ne font pas de différence entre sponsoring et publicité, alors que notre juridiction est claire», s’offusque-t-il. Pour le réalisateur d’El Bedhra, l’Algérien doit être informé sur le statut juridique des chaînes offshore et de leur légalité : «Depuis la création anarchique de ces chaînes ‘privées’ beaucoup d’énergumènes ont investi le domaine culturel audiovisuel. Seule l’EPTV est légale dans notre pays et c’est la seule qui est restée digne malgré tout, après que ces chaînes privées se sont emparées, de façon détournée, de la manne publicitaire.» La situation financière du groupe privé, qui dispose d’un quotidien, d’une revue et de trois chaînes HD (Echorouk Tv, Echorouk News, CBC Benna), s’est dégradée ces derniers mois. Des journalistes évoquent des pressions sur les animateurs d’émissions «critiques», des ponctions et des retards dans les salaires. «On attend toujours le salaire de mars», s’offusque un journaliste. Le quotidien arabophone, criblé de dettes, n’a pas tiré depuis trois jours sur les rotatives publiques pour cause de créances impayées, signale un journaliste. Contacté par El Watan, le directeur général du groupe, Ali Fodil, dément des «allégations erronées et tendancieuses colportées sur les réseaux sociaux». «Ce sont des commérages colportés sur les réseaux sociaux pour faire sensation. Les détails sur l’arrêt des productions sont dans le communiqué rendu public», s’est contenté d’affirmer Fodil, soulignant que «le problème des retards dans le paiement des journalistes ne s’est plus posé depuis quatre ans».
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