lundi 23 avril 2018

En quête d’un modèle de développement

S’il est indéniable que la production agricole enregistre des bonds significatifs ces dernières années, les experts continuent à déplorer l’absence d’un modèle global de développement à la hauteur des sommes colossales allouées au secteur. Environ 3000 milliards de dinars ont été investis dans l’agriculture depuis le début des années 2000. Le secteur s’est enrichi de cet investissement public, sa contribution au PIB (produit intérieur brut) s’est envolée, durant la dernière décennie notamment, et sa croissance progressait d’environ 10% en moyenne l’an. L’ère du pétrole cher était ainsi pour le moins une période dorée pour l’agriculture et jamais les investissements publics n’ont été aussi conséquents. C’était aussi une période de performances où le PIB agricole caracolait à plus de 10% pendant de longues années, finissant l’exercice dernier à 12,3%. La croissance de l’agriculture est forte et même nettement supérieure à la moyenne des secteurs hydrocarbures sous le double impact des subventions et des dotations budgétaires acheminées vers les filières. Quant au chômage, il est quasiment nul dans les filières de production, mais celles-ci souffrent cependant d’une fuite de la main-d’œuvre, éprouvant aujourd’hui un besoin pressant de 600 000 employés. Le secteur représente aujourd’hui un véritable gisement d’emplois et pèse pour un quart dans la population active. Cependant, dans une économie faiblement, voire pas du tout diversifiée, l’agriculture peine à être le moteur de croissance que l’on souhaitait. L’impact de ce coup de fouet aux subventions et aux dotations budgétaires dont a bénéficié l’agriculture a été limité par des importations sauvages et régressives. Les défis à venir sont non moins importants. Ils n’ont jamais été aussi tenaces, à l’heure où la diversification de l’économie semble une urgence pressante. L’industrie agroalimentaire n’a pas encore tiré son épingle du jeu, exception faite de certaines filières de transformation, tandis que l’essentiel de ces industries continuent à dépendre des importations pour leur fonctionnement. La filière des intrants n’est pas en forme, ce qui aggrave davantage la dépendance de l’agro-industrie des matières premières importées. La valorisation des excédents de certaines filières et le développement de la filière des intrants contribueront à accroître le rendement de l’industrie agroalimentaire, estime Cherif Omari, directeur central au ministère de l’Agriculture, chargé de la régulation et du développement des productions agricoles. Selon lui, au-delà des performances réalisées ces dernières années, tant au plan des rendements qu’au niveau de l’organisation des filières, il y a un besoin de rechercher l’efficacité, et ce, par l’équipement et la mécanisation, par la logistique et les infrastructures de stockage, par la technologie et l’innovation, par la facilitation de l’investissement ainsi que par l’amélioration des scores en matière d’irrigation et des disponibilités en foncier agricole. Tels sont en somme les défis auxquels est confrontée l’agriculture. A la recherche d’efficacité Il faut croire que cette recherche d’efficacité doit impérativement prendre en compte les impératifs de la conjoncture financière, laquelle plaide pour l’amélioration de la couverture des besoins en produits agricoles, l’exploitation des marges de productivité existantes, le soutien à l’investissement privé et dégager des excédents à l’exportation. Le rendement de certaines filières est encourageant, les cultures maraîchères flirtent avec l’autosuffisance, idem pour les légumineuses puisque l’on s’achemine vers l’autosuffisance en lentilles et pois chiches en particulier. Le rendement des cultures maraîchères est passé de 33 millions de quintaux en 2000 à 130 millions aujourd’hui, la pomme de terre (de 12 millions de quintaux à 47 millions), la tomate industrielle (de 4,7 millions de quintaux à 12,3 millions), les viandes blanches (de 1,9 million de quintaux à 5,1 millions). Deux «ombres» au tableau, la céréaliculture et le lait cru, dont les rendements, bien qu’en amélioration nette, peinent à répondre aux besoins tout aussi croissants des populations. Pour Cherif Omari, rencontré dans les locaux du ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, il y a indiscutablement des marges de progrès dans la céréaliculture et le lait, pour peu qu’un effort supplémentaire soit consenti dans l’amélioration des scores et des techniques d’irrigation et dans le traitement de la semence. Fait encourageant : le pays n’importe plus la semence des céréales depuis maintenant plus de 20 années et compte arrêter l’importation du blé dur à court terme eu égard aux résultats obtenus ces dernières années. Quant à la filière lait, le ministère dit investir davantage dans le soutien à la production de génisses, à la collecte de lait cru et la production de l’aliment de bétail, dont des dispositifs sont déjà en cours et qui devrait bénéficier d’un coup de fouet dès cette année. Pour ainsi dire, à rebours des précédentes politiques qui se concentrent sur l’investissement budgétaire pour l’amélioration des rendements, la relance de l’agriculture par l’investissement dans l’ensemble de la chaîne de valeur, par l’amélioration des rendements des filières à haute valeur ajoutée et par l’intégration de l’industrie et de l’exportation comme un axe central de développement se pose en défi, et de taille. Au plan du commerce extérieur, le pays a exporté l’année dernière pour 348 millions de dollars en produits agricoles en plus des exportations traditionnelles de dattes, produits de terroirs et aromatiques et plantes médicinales. Les perspectives s’annoncent prometteuses puisque des points de fret aérien sont aménagés dans les aéroports d’El Oued et de Biskra, tandis qu’un autre point frontalier est ouvert avec la Tunisie.

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