Alors que la Loi fondamentale de 1996 limitait, dans son article 74, les mandats présidentiels à deux, Abdelaziz Bouteflika a fait sauter ce verrou pour réaliser «son rêve de ne quitter El Mouradia que pour l’au-delà». Le président Bouteflika semble vouloir mourir au pouvoir. Elu à la tête de l’Etat en 1999 dans des conditions particulières, l’homme consommera son quatrième mandat dans une année. Il aura, en avril 2019, battu tous les records de longévité à la tête de l’Etat en Algérie en bouclant ses 20 ans de règne. Il dépassera ainsi largement les présidents Houari Boumediène et Chadli Bendjedid avec 13 ans de pouvoir chacun. Et ce n’est pas fini. L’homme, affaibli par les lourdes séquelles de l’AVC dont il a été victime en 2013, se prépare à briguer un cinquième mandat. La décision est annoncée, comme d’habitude, par ses partisans qui tentent déjà de préparer l’opinion à l’officialisation de la candidature du chef de l’Etat à sa propre succession. Ce scénario, estiment les observateurs et les acteurs de la scène nationale, a été préparé depuis 2004, voire bien avant. Mais la décision de rester à vie au pouvoir a été actée avec la révision constitutionnelle de 2008. Alors que la Loi fondamentale de 1996 limitait, dans son article 74, les mandats présidentiels à deux, Abdelaziz Bouteflika a sauté ce verrou pour réaliser «son rêve de ne quitter El Mouradia que pour l’au-delà». La révision de l’article 74 lui a permis de postuler en conquérant à un troisième mandat en 2009. Ayant réussi à élargir le cercle de ses courtisans grâce à une manne financière qui coulait à flots, Abdelaziz Bouteflika a carrément verrouillé le jeu à l’occasion de cette échéance. Cette troisième mandature était justifiée, selon les déclarations des partisans du président Bouteflika, «par la nécessité de parachever les réformes économiques et politiques engagées durant les deux premiers mandats». Ce n’était qu’un subterfuge. La vraie raison reste l’amour platonique du pouvoir, dont fait preuve Abdelaziz Bouteflika qui n’hésite pas à recourir à la ruse pour cacher son jeu et brouiller toutes les pistes. En 2012, à la veille des élections législatives, Abdelaziz Bouteflika avait lancé son fameux «Tab Djenana» en appelant les jeunes à prendre le relais. A l’époque, les observateurs pensaient que l’homme a décidé enfin de céder le pouvoir. Mais il n’en était rien. Terrassé par un AVC en 2013 qui l’a contraint à rester inactif pendant plusieurs mois, le président Bouteflika et son entourage ont réussi à empêcher la mise en œuvre de l’article 88 de la Constitution, demandé par de nombreux partis d’opposition en profitant d’un soutien ostentatoire de l’institution militaire et son chef, Gaïd Salah. A cette époque, les responsables des partis et l’opinion nationale avaient découvert que le chef de l’Etat «n’était pas seulement victime d’un accident vasculaire cérébral ischémique transitoire sans séquelles», comme annoncé par le médecin algérien qui a eu à le traiter avant son transfert au Val-de-Grâce. Ils ont vérifié que les conséquences de cet accident étaient très lourds. Le président est devenu impotent. Le faux serment de la passation du témoin en 2019 Mais malgré ce constat, le pouvoir et ses accointances se sont opposés catégoriquement à l’application de l’article 88 de la Constitution. Pis encore, ils ont mis en avant de nombreux arguments pour nier la gravité de son état de santé, en affirmant tantôt que le «président reprendra ses forces dans avenir proche» et tantôt «qu’il ne gouvernera pas avec ses pieds». Après des mois de polémique sur la «faisabilité» d’une candidature d’un homme très malade à la présidence, Abdelaziz Bouteflika décide de rempiler en invoquant, devant le Conseil constitutionnel lorsqu’il a déposé son dossier de candidature, «une réponse à une forte sollicitation des Algériens». C’était en février 2014. Là aussi les promoteurs du quatrième mandat ont mis en avant les mêmes arguments concernant «le parachèvement du programme de réalisation lancé en 1999» pour justifier cette option. Mais pour faire passer «la pilule», les partisans du quatrième mandat ont fait un serment public. Un faux serment, toutefois. «En 2019, le flambeau sera transmis à la nouvelle génération. Le prochain président sera un citoyen né après l’indépendance», affirmait le directeur de campagne du président Bouteflika à l’époque, Abdelmalek Sellal. Cet engagement est réaffirmé dans chacun des meetings animés à travers le pays. Le témoin ne sera pas transmis de sitôt visiblement. Les tenants du pouvoir préparent déjà un cinquième mandat d’un homme qui peine à boucler l’actuelle mandature. Les Algériens assistent, d’ailleurs, à des scènes surréalistes où des officiels se prosternent devant un portrait du président à qui on offre des médailles, des chevaux et des chameaux… L’essentiel pour eux et pour la foule de la clientèle mise en mouvement est de garantir la présidence à vie pour Abdelaziz Bouteflika.
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