Peut-on dire que l’explosion de la violence dans les stades, les écoles, contre les femmes et les enfants, et en milieu familiale soit liée à la consommation de la drogue, qui connait une fulgurante ascension chez les jeunes ? Une question que se sont posés hier, les participants au séminaire sur la toxicomanie et la violence, organisé à Alger, par l’Onlcdt (Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie), sans pour autant donner une réponse claire. Cependant beaucoup d’entre eux s’accordent à reconnaitre que les violences et l’abus de drogue est un couple qui fait bon ménage en se nourrissant l’un de l’autre. Expert, Salah Abdennouri, met l’accent sur « le danger mortel » que constitue la prolifération de la drogue en rappelant les quantités énormes de résine de cannabis saisies par les services de sécurité, et qui ont connu une hausse de 235 %, de 2011 et 2015, avec un pic de 211,5 tonnes, en 2013. « Si durant ces dernières années, le volume de drogue saisi a diminué moitié, en raison de l’implication des unités de l’ANP dans les opérations de lutte au niveau des frontières notamment à l’ouest du pays, celui des psychotropes a quand à lui, connu une hausse inquiétante. Il est passé de 637.961 comprimés en 2015 à 1,072 million, en 2016 puis à 2,201 millions en 2017... », déclare l’intervenant. Il précise que cette hausse concerne aussi le nombre de consommateurs 2010, il y a eu 11.615 personnes prises en charge pour désintoxication, alors qu’en 2015, ce nombre est passé à 85.777 et en 2016, il a grimpé pour atteindre 21 507 personnes. Abdennouri, rappel les résultats d’une enquête menée en 2016 par l’Office sur la consommation d’alcool, de tabac et de drogue, et qui a touché 12.103 élèves du primaire et du collège, qui montrent que 13,3 % des enfants ont fumé au moins une fois durant les douze derniers mois, 2,3 % ont consommé des psychotropes, 2,3 % ont bu de l’alcool, 3,6 % ont pris du cannabis et 1,9 ont gouté à l’ecstasy. Le conférencier met en avant le phénomène de la violence sous toutes ses formes, mais sans pour autant donner d’indice qui lie l’explosion de cette violence et à l’addiction à la drogue, regrettant au passage, « l’absence » d’un système de données centralisé qui « permet à tous les intervenants d’y avoir accès », car dit-il, « le problème de la drogue et de la violence est multisectoriel ». Les représentants de la sureté national, Salim Djenah, et de la gendarmerie nationale, Youcef Dahmani, parlent des actions de prévention et de lutte contre la drogue, citant les volumes de saisies, sans toute fois, donner un aperçu sur le traitement des personnes impliquées, en matière de procédure, depuis leur arrestation jusqu’à leur présentation notamment lorsque les délits de consommation de drogue, sont aggravés par le recours à la violence. Salim Djenah, met l’accent sur les psychotropes, dont le volume de saisies avoisine le un million de comprimés par an, dit-il. « La problématique est très complexe, parce qu’il s’agit de médicaments nécessaires aux malades. Il faudra trouver les solutions à même de contrôler ces produits sans pour autant pénaliser les malades. ». L’officier explique que la majorité de ces psychotropes viennent illicitement des pays du Sahel, ou de l’Europe, par des passeurs qui les revendent en Algérie. Les saisies sont passées de 532.000 comprimés à 672.000 en deux ans. « Les produits les plus prisés sont entre autres le Dramadol, Rivotril, mais surtout Erika, appelé par les jeunes Saroukh (la fusée), et qui est produit localement. Ces médicaments agissent directement sur le système nerveux. Ils sont plus dangereux que le cannbis… », explique l’officier, en révélant : « En 2016 nos services ont démantelé un réseau de 7 tunisiennes sur lesquelles, 7 kg de cocaïne ont été saisis. Les mises en cause assuraient le convoyage de la drogue latino-américaine, vers Dubaï. La même route est utilisée pour le trafic d’héroïne ». Pour lui, les saisies de résine de cannabis ont connu une baisse importante, en passant de 69 tonnes en 2015 à 41 tonnes en 2016. Abondant dans le même sens, Youcef Dahmani, de la gendarmerie affirme que l’Algérie a à sa frontière ouest, un pays producteur de cannabis, et à ses frontières sud, des états en déconfiture, où existent de grands trafics de médicament souvent acheminés de pays plus lointains comme la Guinée. L’intervenant évoque également, le trafic et le détournement des antidouleurs comme l’Erika, ou de médicaments psychiatriques, de plus en plus consommés et qui deviennent très dangereux pour la santé, lorsqu’ils sont mélangés à d’autres produits et pendant une longue durée. Pour l’officier, « il est important d’encadrer le contrôle de ces médicaments pour éviter leur détournement ». Sous directeur de la prévention et de la santé, Rida Sahnoune, décortique la prise en charge des toxicomanes en milieu carcérale. Il commence par fait un état des lieux en présentant une enquête faite en 2004, avec 995 dont 38,09 % d’entre eux souffrent de troubles. Les résultats montrent que 20,83 % des détenus consommaient le cannabis, 49, 4 % s’adonnaient aux psychotropes, , 16,6 %, buvaient de l’alcool, 14,6 % consommaient du Diazéban, 14,6 %, prenaient du Rivotril et 33,02 % se droguaient avec de l’Erika. Une autre enquête plus récente, 2016, a été faite avec un échantillon de 1778 détenus montre que 46,5 % d’entre eux sont devenus addictes à la drogue en raison de l’influence du milieu, 28 %, en raison des problèmes socio-économiques. Lors des débats, de nombreuses questions ont été posées notamment sur la prise en charge des toxicomanes une fois, sortis de prison. « Il n’a pas de lien entre l’intérieur et l’extérieur de la prison. Nous réfléchissons mais nous n’avons pas encore trouvé de réponse… », a indiqué Rida Sahnoune, qui interrogeait sur le lien éventuel entre l’addiction et la violence carcérale, a répondu : « on m’a demandé de parler de la toxicomanie. J’ai pas de réponse pour les violences ». Invité à cette conférence, Aurélien Langlade, adjoint au chef du département de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, responsables des études criminologiques en France, expose l’expérience française en matière de prise en charge toxicomanies et de violence et relève que les problèmes soulevés par les experts algériens sont les mêmes auxquels sont confrontés leurs collègues en France, où l’on enregistre 2,2 millions d’usagers de cocaïne et 5 millions de consommateurs de drogue annuellement. A signaler que deux conférenciers, du ministère de l’Education, et de celui de la Jeunesse et des Sports, ont brillé par leur absence, tout comme les traducteurs.
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