vendredi 11 mai 2018

Sana Benmouhoub, employée d’Haliburton, licenciée abusivement

Pour Sana Benmouhoub, assistante administrative (service planner) licenciée abusivement il y a deux mois par Haliburton, le 1er mai avait un goût amer. Le goût d’une injustice orchestrée par un patron étranger et exécutée par des collègues algériens avec l’accord tacite du syndicat d’entreprise, qui ont décidé de se débarrasser d’une voix dénonçant les abus et appelant au respect des lois algériennes bafouées sous prétexte ne pas faire fuir le partenaire étranger. Ni l’Inspection du travail ni les élus, encore moins les représentants centraux de l’UGTA, n’ont pu donner une réponse satisfaisante à la question relative au motif de ce licenciement venu en représailles après l’organisation d’un meeting appelant le «top management» d’Haliburton à se pencher sur les préoccupations des travailleurs, en février dernier. «Nous avons fini par forcer le syndicat à assister à notre second meeting et c’est là qu’un rapport énumérant les différents points de revendication a été transmis au DRH», raconte Sana. Par la suite, des délégués des travailleurs, non syndicalistes, ont été désignés pour parler en leur nom et c’est là que dix salariés, dont Sana, ont été propulsés au devant de la scène pour les représenter devant le directeur des opérations, un Français venu d’Alger pour les écouter. «C’était le déni total, un DRH quasiment absent depuis le départ des Américains et l’algérianisation du staff, hormis ce directeur des opérations sans qui on n’en serait jamais arrivé là, car avec les Américains, on avait une bonne ambiance de travail, un niveau de management nettement plus élevé et un respect plus rigoureux des travailleurs et de leurs droits», ajoute Sana, qui a intégré Haliburton en 1998. Le premier point soulevé étant la dévaluation du dinar, les délégués ont transmis la demande d’une augmentation de salaire de 40%. Des explications ont été demandées sur les départs forcés pour les CDI opérant dans la filière cimentation et pour les contrats sous peine de licenciement sans indemnités, ainsi que sur le maintien des CDI pour de nouvelles recrues parmi les connaissances des managers, alors que ces contrats étaient bannis depuis 2007 de l’entreprise. «j’ai vu des hommes pleurer» «Nous avons insisté sur la structure de la paie qui n’a pas bougé par rapport à d’autres régions, la nôtre date de 2011 alors qu’ailleurs elle a été révisée en 2015. Des travailleurs de chantier dont le salaire de base est de seulement 26 000 DA, alors qu’ils font un métier à risque, évoluent dans des conditions extrêmes de travaux forcés», explique Sana, qui a rencontré des dizaines de collègues pour étoffer son rapport décriant cette situation, pour pousser les gens à la démission et donc au chômage. «J’ai vu des hommes pleurer dans mon bureau et appeler à l’aide le syndicat qui n’a jamais voulu leur porter assistance. J’ai vu défiler des dizaines d’ouvriers de chantier à qui on refuse un salaire à la hauteur de leurs efforts, qui font des heures supplémentaires sans contrepartie, alors que l’over-time est garanti par la loi. J’ai vu des licenciements succédant à des accidents de travail, des gens qui sont recrutés sous le régime du 6X2 qui travaillent deux mois pour dix jours de congé.» L’autre point crucial qui a valu des représailles immédiates est l’hémorragie des compétences formées par Haliburton, parties chez les concurrents. soutiens «Pour leur avoir refusé une augmentation ou un titre, ils partent chez les concurrents. En est-on au courant à Haliburton Global ?» La réponse ne se fera pas attendre. Le 9 mars, un collègue l’informe par téléphone de son licenciement alors qu’elle est en congé. «J’ai essayé de me connecter à mon compte d’entreprise, il était désactivé. J’ai 20 ans de boîte et je sais que cela signifie que l’agent ne fait plus partie d’Haliburton.» Avec sa photo affichée au poste de police comme persona non grata, Sana a reçu le soutien de tous ses collègues qu’elle a empêchés de déclencher une grève générale après deux jours de grève de la faim. Un licenciement sans préavis, sans motif, sans indemnités, envoyé par DHL le 19 mars alors qu’elle est en CDI et en congé jusqu’au 20. Le recours à l’Inspection du travail s’est soldé par un procès-verbal de non-conciliation et c’est désormais à la justice de trancher. «Li ma aajbouch el hal yrouh» (celui qui n’est pas content n’a qu’à s’en aller). Pour Sana, les collègues algériens du top management subissent les pressions du directeur des opérations : «Ils ont tellement peur de perdre leurs postes et leurs avantages qu’ils sont prêts à nous sacrifier, à vendre leurs mères pour ne pas changer de standing.» Par contre, ils courent derrière les bonus mirobolants en fin d’année. «J’ai souligné lors du meeting que l’Algérie avait largement dépassé son ‘target’, soit l’objectif annuel, malgré cela les forçats d’Haliburton n’auront que des miettes, les managers se partagent les bonus.» Malgré une proposition d’indemnisation en contrepartie de son silence, cette femme revendique le droit au respect de la loi. «Mon combat se poursuivra jusqu’au bout pour que les multinationales ne se croient pas tout permis et que les lois algériennes soient souveraines dans notre pays», affirme-t-elle. Contacté par nos soins, Yacine Mezdour, DRH de la compagnie Haliburton à Hassi Messaoud, n’a pas souhaité répondre à nos questions concernant le dossier de Sana Benmouhoub, arguant que tous les employés de cette entreprise bénéficient du même traitement et que cette dernière ne fait pas exception dans le respect des institutions de l’Etat algérien.

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