lundi 14 mai 2018

Violence dans les stades : Le mal-être de la Jeunesse

Constantine, Oran, Tizi Ouzou, Alger… la liste des incidents dans les stades algériens semble ne pas connaître de limite. Au moins 104 personnes ont été blessées lors de la demi-finale de la coupe d'Algérie entre les clubs rivaux de la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK) et du Mouloudia d'Alger (MCA), marquée par des jets de projectiles dans les tribunes adverses et sur le terrain et par des affrontements avec les forces de l'ordre. Le même jour, un match en retard du championnat opposant le Mouloudia d'Oran au Chabab de Belouizdad a dû être arrêté par l'arbitre à 12 minutes de son terme, le terrain étant la cible de projectiles avant d'être envahi par des supporters en colère. Une commission d'enquête a été diligentée pour examiner «les causes de ces dérapages dangereux, définir les responsabilités» et donc «prendre des mesures et des décisions fermes en vue d'en finir avec ce phénomène». Face à la violence, l’Etat tâtonne, car coincé dans une logique répressive, et en même temps dans une attitude permissive face aux risques de débordements et de confrontations avec la jeunesse. «Les responsables politiques ont décidé de manier la carotte et le bâton avec les supporters, explique un ancien membre de la Fédération algérienne de football. Ils craignent la bavure policière et les conséquences que cela peut avoir.» La situation est tellement explosive tant les stades sont devenus des lieux de confrontation entre les forces de l’ordre et les jeunes que le patron de la police, Abdelghani Hamel, a décidé en 2012 de déployer ses hommes à l’extérieur des terrains de football. Une décision qu’il a justifiée par le coût des opérations lors des rencontres. «J'ai un projet pour retirer les policiers des stades, car il faut savoir que chaque match nous coûte de l'argent, sans parler de la mobilisation de nos agents», avait avancé le patron de la DGSN. Face au tollé qui a découlé de cette décision, le premier flic d’Algérie n’est pas revenu sur sa décision et a contraint les clubs à recourir aux stadiers dont la formation est assurée par les policiers. Pour la saison la saison 2017-2018, la police a procédé à l’arrestation de 830 individus dont 93 placés en détention provisoire pour délits de consommation de drogue et port d’armes blanches avec saisie de produits pyrotechniques (300 unités et 250 armes blanches de différentes formes), lors des rencontres de foot, alors qu’en 2014 la violence avait fait 2 morts, dont le joueur camerounais Albert Ebossé, touché par un projectile à la fin de la rencontre JSK-USMAlger. Pour beaucoup, cette violence s’explique par la situation sociale dans laquelle se trouve l’Algérie. Face au verrouillage politique, le stade est devenu le seul lieu de liberté pour la jeunesse, sans compter que l’effet de groupe et de foule est très important dans le déclenchement de cette violence. «Les frustrations, l’accès au travail, loisirs, éducation et la formation, les voyages, le logement…. sont différents et différenciés selon les origines sociales, analyse le Dr Karim Khaled, sociologue et chercheur. Ces modes d’accès inégaux et inégalitaires, malgré les discours triomphalistes et paternalistes du politique, restent problématiques tant que l’équation de la politique de l’Etat de droit n’est pas encore réglée en Algérie. Le reste n’est que spéculations stériles pour la consommation publique.» A la violence politique, la jeunesse répond par une violence verbale et physique. Elle investit les arènes de foot pour crier sa détresse et se défouler dans le seul espace quil lui est acquis : le stade. Si pendant des années la jeunesse était une question sociale, elle est devenue une question sécuritaire et politique. «Quand il y a violence, avec toutes ses formes (verbales, physiques et symboliques), cela signifie que les moyens pacifiques font défaut. La violence dans les stades n’est qu’une partie apparente de l’iceberg. Les frustrations et les difficultés d’épanouissement et de réalisation, individuels et collectifs, sont problématiques en Algérie. Il est nécessaire de rappeler que la violence est liée fondamentalement en Algérie à la problématique de l’instauration de l’Etat de droit, c’est-à-dire un processus de passage à une modernité politique», affirme Karim Khaled. Face au phénomène, chacun se renvoie la patate chaude. La Fédération de football organise des symposiums sur la question. Le dernier en date a eu lieu en décembre 2017 et s’intitulait «Moralisation du football et lutte contre la violence». 18 recommandations ont été dégagées sur la question, dont l’établissement d’une charte «Football sans violence» qui aura valeur de serment à faire signer par les présidents de club, les entraîneurs et les comités de supporters et dont la violation entraînerait la radiation pure et simple des contrevenants des activités footballistiques. Même le ministre des Affaires religieuses a proposé de déplacer des imams dans les stades. Une façon de camoufler la gestion des affaires publiques en ayant recours au religieux. En déplacement à Sétif cette semaine, Noureddine Bedoui, l’ambitieux ministre de l’Intérieur, a annoncé un nouveau dispositif réglementaire applicable rapidement pour lutter contre la violence et pour mieux «cerner le phénomène». Il a annoncé l’arrivée des caméras de surveillance. Une méthode déjà testée par les Anglais et les Français lorsque ces derniers ont dû faire face au phénomène de hooliganisme. «Des caméras de haute technologie», a tenu à préciser le ministre.  

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