Le journalisme a été pour lui un prétexte à texte et son texte était un moyen de militantisme et un désir de littérature.» Ce sont les mots employés par Boubakeur Hamidechi, l’un des doyens de la presse en Algérie, pour qualifier la plume de Hamid Ali-Bouacida, lors de l’hommage qui lui a été rendu à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, organisé dans les bureaux d’El Watan à Constantine. A l’initiative d’un collectif de journalistes, de nombreuses personnalités culturelles, médiatiques et artistiques se sont rassemblées pour évoquer d’abord le défunt journaliste et auteur, décédé il y a quelques jours, et débattre de la situation de la presse algérienne, avec en perspective des actions pour pallier le déficit d’organisation qui affecte la corporation. Les témoignages se rejoignaient pour décrire un journaliste-artiste : «Il était un emblème de la liberté. Au-delà du temps, de l’argent, du mot et de l’espace, il vivait.» L’audience peinait à conjuguer Hamid Ali-Bouacida au passé tant la vie qui accompagnait les anecdotes, racontées par ceux qui l’avaient côtoyé, défiait le «feu». Satirique, militant, poète, nouvelliste (Hamid est lauréat du prix Mohamed Dib pour son recueil 5 dans les yeux de Satan) et enchanteur de mots, il incarnait l’art du journalisme et de la liberté de pensée comme personne, s’accordaient à dire les témoins de sa vie. Lounis Yaou, qui l’a côtoyé lors de la création de la revue El Gantra, au début des années 1990, racontait à quel point «son humanisme exemplaire et son exigence éthique ont été la graine qu’il a semée dans les êtres des journalistes, artistes et hommes de théâtre qu’il a formés». La liberté a été le maître-mot de «sa» Journée mondiale. En son nom, et au nom de celui qui l’incarnait, l’honorable assistance a décidé d’agir. En la présence de grands noms de la presse algérienne, d’éminents juristes tels que Mes Boudjema Ghechir et Djamel Allia, et de nombreuses personnalités culturelles et littéraires, la volonté de reconquérir le droit à l’expression a été manifeste. Abdelmadjid Merdaci, professeur de sociologie, a passionnément insisté : «La presse agonise et nous, nous observons, nous constatons, mais nous n’agissons pas. Aujourd’hui, au nom de ce grand journaliste auquel nous rendons hommage et au nom de cette assemblée qui incarne l’amour de la patrie Agissons !» Le professeur a proposé de commencer par créer «un syndicat national Libre et Indépendant qui œuvrera avec fougue à redonner les droits sociaux aux journalistes». Cette proposition a été saluée par l’ensemble des présents, insistant sur la protection de la clause de conscience qui garantit la morale de ce métier. En seconde partie de cette rencontre, il a été rappelé par les journalistes, notamment, que la crise que vit la presse est due à l’atmosphère étouffante créée par le pouvoir afin de contrôler la presse libre et de la rallier à ses lignes directives. Les interventions de Nouri Nesrouche, Amor Chabi, Kamel Ghimouz et Boubakeur Hamidechi ont apporté des éclairages sur les enjeux actuels et les défis auxquels fait face la presse. L’assistance a été unanime à l’idée que le chantage à la publicité pourrait prendre des chemins officiels et officieux, provoquant la fermeture de plusieurs titres. Fait encore plus grave, s’est insurgé Kaddour Benaziza, la menace de verrouillage pèse de plus en plus lourdement dans les espaces publics et les institutions culturelles. «Le centre culturel Mohamed El Yazid d’El Khroub en est le témoin ; cet espace reconnu pour être un lieu de débat ouvert et libre a été victime d’une fermeture inexpliquée et du licenciement abusif de son personnel à cause de l’invitation de Karim Younes pour une conférence», s’est-il insurgé. De ce fait, un appel à pétition a été lancé, au nom de Hamid Ali-Bouacida et des valeurs qu’il défendait, pour que plus aucune institution, quelle que soit sa puissance, n’ose interdire une manifestation culturelle ou médiatique sans raison ou sans explication. «L’heure est grave, il faut se mobiliser, le destin de la presse est inséparable de celui de la collectivité nationale», concluait A. Merdaci.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire