Entre la Ligue arabe et l’Algérie, cela n’a jamais été le grand amour. C’est une histoire de désamour non assumée qui se vérifie à chaque épreuve. La dernière en date s’est manifestée cette semaine à la faveur de la rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Iran. Rabat, qui a accusé Téhéran d’avoir fourni — via le Hezbollah libanais — le Front Polisario en armes «transitées» par l’ambassade iranienne à Alger, s’est vite «assuré» le soutien et l’appui de la Ligue arabe. Dans un communiqué rendu public jeudi passé, l’organisation panarabe a exprimé sa «solidarité» avec le Maroc qui ferait face aux «interventions dangereuses» de l’Iran dans les affaires internes du royaume. La rapidité avec laquelle le soutien a été annoncé révèle pour le moins un parti pris évident. Elle met l’Algérie et d’autres pays devant le fait accompli. Le Front Polisario, le Hezbollah libanais et l’Iran ont formellement démenti les accusations du ministre marocain des Affaire étrangères, Nasser Bourita. Des accusations qui mettent en cause «indirectement» l’Algérie dès lors qu’elles laissent entendre qu’un diplomate étranger aurait exercé des activités illégales sur son territoire. Ce à quoi les autorités algériennes ont vivement réagi, rejetant les propos «totalement infondés» formulés par le Maroc. L’ambassadeur du Maroc à Alger a été reçu au ministère des Affaires étrangères qui lui a signifié le «rejet par les autorités algériennes des propos totalement infondés mettant indirectement en cause l’Algérie, tenus par son ministre des Affaires étrangères à l’occasion de l’annonce par ce dernier de la rupture des relations diplomatiques entre le Royaume du Maroc et la République islamique d’Iran». Dans cette «mini crise», la Ligue arabe, basée au Caire, s’est sentie obligée de prendre position et, sans hésitation, a choisi son camp. Celui de soutenir sans aucune nuance le Maroc, alors qu’elle devait se tenir à égale distance. D’évidence, cette position a pour le moins indisposé l’Algérie. Un camouflet. Au-delà de la manœuvre du palais royal qui vise à brouiller les cartes à l’approche des négociations directes avec le Front Polisario, comme le recommande expressément le Conseil de sécurité de l’ONU, se pose sérieusement la question du rôle de la Ligue arabe. Est-elle vraiment un espace où se discutent toutes les problématiques auxquelles sont confrontés les pays constituant cette organisation ? Est-elle le lieu où s’élaborent des politiques globales intégrant les intérêts des pays membres ? Si longtemps elle a été une «annexe de la diplomatie égyptienne», pour reprendre l’expression d’un ancien ministre algérien des Affaires étrangères, la Ligue arabe est tombée dans l’escarcelle des monarchies du Golfe. Elle cautionne et valide sans discussion toutes les initiatives politiques, diplomatiques et militaires décidées par les nouveaux maîtres du «Monde arabe». Elle sert régulièrement de couverture à des actions unilatérales de membres devenus influents en son sein. L’affaiblissement considérable des «Républiques arabes» a permis aux monarchies de mettre la main sur cette organisation qui désormais adosse son action sur l’agenda géostratégique de l’Arabie Saoudite et ses alliés dans la région. En conflit ouvert avec l’Iran, présenté comme «l’ennemi premier», Riyad force la main à la Ligue arabe et par extension de la l’Organisation de la conférence islamique (OCI) pour les suivre dans sa «croisade» contre la «menace chiite». Un agenda qui n’est pas du tout en phase avec les intérêts de tous les Etats membres. Encore moins ceux de l’Algérie, qui refuse d’être enrôlée dans les conflits régionaux. C’est le cas de l’agression contre le Yémen et la guerre froide faite à l’Iran. Certes, la position algérienne demeure «timide», cependant elle marque sa différence. «Si elle ne peut pas aider au règlement politique des conflits, l’Algérie ne prendra jamais position en faveur d’une partie aux dépens de l’autre», ne cessent d’affirmer les diplomates algériens. Une position doctrinale largement partagée au plan interne, mais qui reste marginale au sein de la Ligue arabe. Cette dernière ne s’encombre guère de l’opinion d’Alger. Et parfois, des représentants des pays membres sont allés jusqu’à «l’humiliation» sans coup férir. On se souvient comment l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a été écrabouillé par le représentant du Qatar lors d’une réunion au Caire. «La séance est levée, pas de mise au point, votre tour viendra», avait-il lancé à la figure du chef de la diplomatie algérienne – tétanisé – lors d’une réunion sur la Syrie. Un pas a été franchi sans que cela suscite une réaction forte d’Alger. Un énième affront qui renseigne sur le poids d’un pays comme l’Algérie au sein de ce bloc régional détourné de sa vocation. Cette intenable situation doit faire débat et avec audace. Pour l’heure, la diplomatie algérienne «arrondit les angles», fait le dos rond et refuse de sauter le pas. Mais jusqu’à quand !
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