lundi 14 mai 2018

Ce que coûtent les subventions au Trésor

Le système des subventions sociales, héritage de l’économie administrée adoptée par l’Algérie à son indépendance, est «antiéconomique» et coûte cher au budget de l’Etat, alors que le pays est confronté, depuis 2014, à une crise financière», a affirmé, hier à Alger, Mouloud Hedir, économiste et spécialiste du commerce extérieur. «Je veux insister sur le caractère antiéconomique de ce système de subventions. Nous ne sommes pas le seul pays au monde à subventionner, tous les pays le font, en particulier dans le secteur agricole (….) Mais, il y a une différence entre ce qui se fait en Algérie, unique cas mondial, et ce qui se fait partout ailleurs. Nous, on subventionne les importations pour les produits agricoles et les carburants», a déploré Mouloud Hedir, lors des «Matinales de Care» consacrées aux réformes des subventions en présence d’experts du collectif Nabni, fondé en 2011. Chiffres à l’appui, le conférencier a souligné que la subvention s’élève à 16 DA pour chaque kilo de semoule livré aux semouleries (une hausse de 100% par rapport au prix officiel sur le marché), alors qu’elle varie entre 21 et 12 DA par kilo pour le blé tendre. La subvention à l’importation pour le lait oscille, quant à elle, entre 41 et 14 DA par litre. Une autre subvention est également octroyée à la production qui est de 12 DA. «Pour le lait et les céréales, nous avons aujourd’hui les moyens techniques pour les produire en Algérie. Mais pour le faire, il faut arriver à supporter la concurrence des produits importés des USA, d’Argentine, de l’UE et d’autres pays. Ces produits, quand ils arrivent chez nous, sont déjà subventionnés chez eux. Quel que soit le système qu’on met en place, même quand on les subventionne, ils n’arrive pas à concurrencer ceux qui vient de l’étranger. Nous avons un problème gigantesque. Les pays qui sont autour de nous ont des taux de satisfaction largement supérieurs au nôtre. Nous sommes, pour les céréales et le lait, le 2e importateur du monde après la Chine. En termes de kilogramme par habitant, nous sommes 5 à 6 fois de la moyenne de la région. Nous avons un problème extrêmement sérieux et il faut réfléchir sur la manière d’en sortir», a-t-il soutenu, en plaidant pour une redistribution des subventions au profit des producteurs, même «s’il y a un long chemin à parcourir». S’agissant du carburant, la subvention à l’importation est de 100 DA pour chaque litre. «Un plein d’essence revient à plus de 5000 DA pour le budget de l’Etat. Le niveau de la subvention est quasiment de 100% du prix qui est sur le marché. Ce n’est pas acceptable, sachant que ce sont les catégories les plus aisées qui en bénéficient. C’est quelque chose qu’il faudrait réformer. Il faut le faire surtout, parce que tout cela est supporté par Sonatrach. On est en train de massacrer cette entreprise avec ce système, même si le budget de l’Etat la compense avec du retard», a-t-il dénoncé. Les propositions de Nabni Selon le collectif Nabni, le système des subventions coûte 13,6% du PIB, d’après des chiffres du FMI de 2016. Chaque année, le pays dépense 14 milliards de dollars en subventions pour garantir la paix sociale. «La réforme doit être menée de manière urgente, car le modèle des subventions actuel n’est plus soutenable. Les subventions sont injustes, car elles profitent davantage aux riches. Elles induisent en outre du gaspillage alimentaire et énergétique et créent des problématiques, telles que la contrebande», a souligné, pour sa part, Mabrouk Aïb, expert et membre de Nabni. Le gouvernement avait annoncé le lancement, en 2019, dans une wilaya pilote, d’un projet de transferts monétaires ciblés, censé compenser les pertes de pouvoir d’achat issues des futures baisses des subventions. Mais, à défaut d’un système d’information exhaustif, l’approche gouvernementale, basée sur un programme de ciblage administratif et statistique classique, exclura beaucoup de ceux qui auront le plus besoin de ces aides et couvrira trop peu de citoyens, a mis en garde Mabrouk Aïb. Comme alternative, le collectif citoyen avait suggéré deux options, généralisables dès 2019, pour compenser la baisse du pouvoir d’achat due à la levée des subventions : soit un ciblage progressif qui viserait 40% des ménages les moins aisés pour un coût minimal de 12 000 DA par foyer, soit un revenu universel de 2000 DA par citoyen qui toucherait l’intégralité de la population, à l’exception des plus riches. Les deux modèles coûteraient respectivement 2,4% et 5,5% du PIB, d’après le groupe de réflexion Nabni. Toutefois, des réformes liées à la bancarisation et la fiscalité doivent être aussi menées, a noté Mabrouk Aïb.

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