mercredi 2 mai 2018

Le prolongement dans la précarité

Le projet de loi relatif à la santé a été adopté, lundi dernier, par la majorité des députés (RND et FLN), avec de nombreuses zones d’ombre consacrées par des articles contradictoires, remettant en cause les questions fondamentales liées à la politique nationale de santé. La réforme attendue depuis plus de 30 ans se résume à travers ce texte, proposé par le ministère de la Santé, validé par le gouvernement et complètement remanié par la commission santé de l’APN avec 251 amendements dans le rapport préliminaire, à la mise en place d’une feuille de route adaptée à une conjoncture socioéconomique difficile. Preuve en est : 73 amendements ont été proposés, pour la majorité formulés par les députés du Parti des travailleurs et qui portent essentiellement sur les aspects liés à l’engagement de l’Etat pour un secteur public fort dans l’accès aux soins et à l’équité pour tous les malades algériens sur le territoire national. Sur ces amendements, seulement 22 ont été acceptés par les députés. Arguments à l’appui sur des articles remettant en cause explicitement ce droit à la santé au titre de la gratuité, tels que les articles 343 et 348, le député Djelloul Djoudi du PT n’a pas réussi à «incliner la main des élus du peuple pour dire non». «Ces deux articles sont la preuve d’un désengagement total de l’Etat. Du moment que les dépenses pour les soins de base et les urgences ne seront plus assurées par l’Etat et le fait de voir qu’il est possible de demander aux patients de contribuer pour payer les soins nous suffit pour dire qu’il n’est plus question de gratuité de soins. Ces deux articles illustrent parfaitement l’orientation que l’on veut donner à cette loi et annule de fait l’article 12 avancé à chaque fois», s’est-il adressé aux députés. Mais ils étaient insensibles à ces arguments puisque l’amendement a été rejeté. Le rejet a concerné également l’amendement portant réintroduction de l’article 81 relatif à l’avortement thérapeutique de grossesse lorsque le fœtus présente un handicap grave, formulé par Ramdane Taazibt du PT, et la proposition de Djelloul Doudi du même parti d’un nouvel article (le 81) autorisant le médecin à procéder à un avortement thérapeutique, lorsque la femme est victime de viol ou d’inceste. «Nous connaissons tous notre société, ce sont généralement les petites filles et les jeunes filles qui sont victimes de ce type d’acte. Comment peut-on laisser naître un enfant issu d’un viol ou d’un inceste ? Pensez-vous que notre société l’accepte ?» a-t-il encore tenté de convaincre, mais en vain. Le «non» prédomine puisque la commission santé a noté que toutes ces propositions sont dans l’article 79, lequel indique que «l’avortement thérapeutique de grossesse est possible pour protéger la santé de la mère lorsque l’équilibre physiologique ou psychologique et mental de la mère sont gravement menacés». La création de centres spécialisés en gériatrie pour la prise en charge médicale des personnes âgées est loin d’être une préoccupation de députés algériens, qui l’ont refusée sous prétexte que les établissements de santé publique s’en chargent. «Malgré les changements apportés de manière partielle ou symbolique à travers les amendements sur les 48 proposés par les députés du parti, cela n’a changé en rien le contenu du projet que nous rejetons», relève le groupe parlementaire PT dans un communiqué. La commission santé a, quant à elle, introduit 6 nouveaux amendements portant sur les articles 78, 176 portant l’activité complémentaire, 259 et 188 relatifs à la responsabilité et l’activité du pharmacien d’officine, 206, 249 tout en justifiant que le rejet des autres propositions d’amendement s’explique par le fait que «certaines d’entre elles figurent dans d’autres chapitres de la loi ou bien relèvent d’autres textes réglementaires». A noter que les députés du RCD et du PT ont voté contre ce projet de loi alors que ceux du FFS ont boycotté la séance. Dans un communiqué remis aux journalistes sur place à l’APN, le groupe parlementaire «progressiste» du RCD, qui a exprimé son rejet du projet de loi, estime que «le texte consacre un déni de la réalité sociosanitaire. Il ne fera qu’aggraver la situation, déjà précaire, des couches les plus défavorisées». Pour le député RCD, le projet de loi «confirme l’absence de vision stratégique dans le secteur de la santé et dévoile les velléités d’un désengagement de l’Etat quant à la prise en charge gratuite des malades» tout en rappelant : «Une loi sanitaire doit découler du choix d’une politique de santé tenant compte de la réalité sociopolitique et économique du pays tout en intégrant, résolument, l’égalité dans la prise en charge des patients dans le secteur public et à travers les prises en charge par les caisses de Sécurité sociale.»

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