De nouvelles taxes seront encore une fois imposées au Algériens, même si, pour le moment, la copie de la Loi de finances complémentaire (LFC 2018) sera revue. Les Algériens payent tout de plus en plus cher, même à l’administration. El Watan Week-end énumère tout ce que nous ne pourrons pas faire gratuitement. Onze mille milliards de dinars. C’est le montant des impôts impayés. Un chiffre annoncé par le ministre des Finances, Abderrahmane Raouia, il y a quelques jours, devant les députés de l’Assemblée populaire nationale. Le premier responsable du secteur a d’ailleurs appelé le gouvernement à ne plus compter ce montant parmi les ressources financières de l’Etat, étant donné qu’il est impossible de procéder au recouvrement de cette somme. La raison : «Il s’agit d’un montant non recouvrable hérité des décennies précédentes. Les entreprises concernées ont disparu et d’autres ont été déclarées en faillite», a-t-il expliqué. N’empêche, le ministre des Finances a assuré qu’«il ne faut pas croire que les services des impôts n’ont rien fait pour chercher cet argent». Cependant, il faut croire que cela n’est pas suffisant. «Les entreprises dont il parle ne payent pas leurs impôts, et on se rabat sur le salaire du pauvre citoyen qui a du mal à joindre les deux bouts», se désole Mourad, enseignant. Un avis largement partagé par Nacéra, cadre dans une banque : «Tout est devenu payant. Même pour aller au parc afin de se vider l’esprit, il faut payer le prix fort. Malheureusement, la qualité de service n’est pas au rendez-vous. De plus, avec l’arrivée imminente du Ramadhan, on s’attend à des prix encore plus élevés, ce qui n’arrange pas les choses.». Car les frais supplémentaires, il y en aura encore. Chevaux En effet, l’avant-projet de loi de finances complémentaires, examiné par le Conseil du gouvernement, a été validé par ce dernier. Ce projet de loi de finances complémentaire proposait des nouvelles taxes et des hausses conséquentes. Il était question d’un timbre du permis de conduire passant de 500 à 5000 DA. Soit une hausse de 1000%. Concernant le timbre de la carte grise, il devait également être revu à la hausse. Pour certaines catégories de véhicules, les augmentations ont été multipliées par 20. Pour les véhicules de tourisme, camionnettes, camions et véhicules de transport en commun d’une puissance de 2 à 4 chevaux, le montant de la taxe est porté à 10 000 DA contre 500 DA auparavant. Pour les véhicules d’une puissance de 5 à 9 chevaux, le montant de la taxe passe de 800 à 16 000 DA. Concernant les véhicules d’une puissance supérieure à 10 chevaux, la taxe est fixée à 20 000 DA. Elle est de 30 000 DA. Finalement, ce projet a été rejeté par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Le chef d’Etat a jugé qu’il n’était pas normal d’infliger au citoyen autant de taxes et de hausses en une seule année. Pour l’économiste Abdelhak Lamiri, le contenu de la loi de finances complémentaire serait revu pour deux raisons essentielles. «La première a trait au fait que les différentes taxes qui y seraient incluses sont incompatibles avec le contexte, c’est-à-dire à quelques mois de l’élection présidentielle. En second lieu, les décideurs espèrent que la remontée des prix pétroliers durera plusieurs mois et permettra d’éviter le recours à des taux d’imposition plus élevés», explique-t-il. Elections De son côté, l’expert financier Souhil Meddah estime que «cet acte de réajustement peut être interprété de deux façons. La première étant que le coût supporté par le dernier consommateur devient additionnellement élevé à son pouvoir d’achat. Et la deuxième interprétation peut se justifier par le niveau des transactions multiples ou non prévu pour chaque individu, notamment dans les attributions des documents ou des achats de véhicules sur le marché du neuf ou celui de l’occasion». Cependant, la décision du Président n’exclut pas la possibilité d’adopter ces lois dans la prochaine loi de finances, en 2019. «Il faudrait plutôt tabler sur la loi de finances 2020, car celle de 2019 sera votée en décembre 2018. Il serait étonnant de la voir contenir de fortes hausses. La loi de finances complémentaire visait à se rapprocher de l’équilibre budgétaire et surtout faire des gestes en direction de l’Union européenne après les dernières critiques de celle-ci. Mais le contenu n’est pas conforme au contexte : une embellie des prix pétroliers et l’élection présidentielle qui se rapproche», confie Abdelhak Lamiri. Finalement, beaucoup expriment leur soulagement quant à la non-adoption de cet avant-projet de loi de finances complémentaire. Rêve «Cela aurait été la goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase. On n’en peut plus des mauvaises surprises qui coûtent très cher et on ne sait plus comment exprimer notre ras-le-bol. Le pire est que nous ne pouvons même pas boycotter certains services étant donné que nous n’avons pas cette culture malheureusement. Depuis des années, on ne fait qu’accepter tout ce qu’on nous inflige ; y en a marre», dénonce Mustapha, informaticien dans une société étatique. De son côté, Souhila, une mère de famille de 37, ans énumère : «Nous avons l’impression que le niveau de vie en Algérie est très élevé si on se réfère aux sommes faramineuses qu’on dépense pour chaque service. A titre d’exemple, j’ai voulu passer mon permis. Je me suis rendu compte qu’il coûte 20% plus cher que les années précédentes. Les automobilistes ne peuvent pas garer leur véhicule dans un endroit sans se faire racketter. Et quand il s’agit d’un parking réglementé, les prix sont excessivement chers. Idem durant la période estivale. Alors que les autorités avaient annoncé que l’accès aux plages été gratuit, rien de tout cela n’est vrai. Si on ne paye pas, on se retrouve derrière à ne plus pouvoir surveiller nos enfants. Si on veut voyager, les tarifs d’Air Algérie figurent parmi les plus élevés. Les émigrés ont de plus en plus de mal à venir rendre visite à leurs proches vu le prix des billets pour la destination Algérie. Se payer un appartement relève du rêve. Tiens, heureusement que le rêve est gratuit, sinon on mourrait». Education Autre secteur qui revient relativement cher aux familles : l’éducation. Même si celle-ci est gratuite, n’empêche, beaucoup de parents préfèrent, de plus en plus, inscrire leurs enfants dans des écoles privées, jugeant le niveau meilleur. Sauf que, jouissant d’une certaine réputation, certaines de ces écoles augmentent leurs tarifs à tout-va, alors que le service reste le même. «L’école où mon fils est inscrit a augmenté ses tarifs de 5000 DA d’une traite. J’hésite à renouveler son inscription pour l’année prochaine. Sans compter le fait que les livres valent dans les 20 000 DA», se désole Souad, ingénieur. Hormis les prix excessifs dans les écoles privées, le tarif des livres scolaire dans les établissements publics est aussi à déplorer pour certains parents, qui regrettent le temps où on pouvait les louer et les remettre en fin d’année. Pour Bachir Hakem, enseignant, la question du livre scolaire est très importante car elle a un rapport direct avec le pouvoir d’achat, la déperdition scolaire ainsi que la gratuité de l’éducation pour tout le monde. Selon lui, celui-ci revient très cher et impossible à acheter pour des familles avec plusieurs enfants scolarisés. Autre secteur qui revient relativement cher aux familles : les loisirs. Beaucoup déplorent la qualité médiocre et les prix excessifs. «D’abord, nous n’avons pas un large choix de lieux dédiés aux loisirs. Les parcs d’attractions sont souvent mal fréquentés et les parcs en plein air facturent le parking à l’heure, ce qui revient très cher. Nos enfants n’ont nulle part ou aller», confie Souhila. Exigences Pour Souhil Meddah, la question des loisirs en Algérie peut s’interpréter de deux façons. La première étant que cette activité en elle-même est un gisement très important pour le compte de l’activité économique, alors que le parc actuel n’est pas en mesure de satisfaire les besoins des citoyens. «Donc, automatiquement, les demandes et les exigences ne coïncident pas avec les structures disponibles. La deuxième question concerne la disparité qui existe entre les capacités individuelles des individus de différentes classes par rapport à leurs demandes. Généralement, les demandeurs de la classe moyenne cherchent à s’intégrer dans les mêmes centres de loisirs que les classes les plus aisées financièrement», explique-t-il. Pour sa part, Abdelhak Lamiri estime que les loisirs sont chers et de mauvaise qualité. Alors, il serait difficile, selon lui, de booster ce secteur et la taxe servirait à peu de choses. «Il faut savoir professionnaliser les branches d’activités avec les taxes, les labellisations, les formations et autres. La solution réside dans un meilleur management encouragé par les pouvoirs publics», propose-t-il. L’immobilier n’est pas en reste de tout cela. C’est devenu la bête noire de tous les Algériens, incapables de «s’offrir» un logement décent vu les prix qui flambent. Samir, un jeune comptable de 31 ans en rigole : «Il est plus facile d’acheter un appartement à Barcelone qu’à Alger. C’est le monde à l’envers». Spéculation L’expert financier Souhil Meddah avoue que la question de l’immobilier est très complexe étant donné qu’elle relève aussi de beaucoup de facteurs et de paramètres. «Mais, d’autre part, on peut dire que c’est la facilité d’accès au logement qui pose problème en premier lieu, notamment dans les conditions inadaptées ni aux personnes concernées ni au modèle des coûts qui fait que l’immobilier soit devenu un gisement important en matière de placement et de spéculation», déplore-t-il. De son côté, Abdelhak Lamiri confie que le souci est le même dans tous les secteurs : «L’absence d’entreprises professionnelles et en grandes quantités, dotées d’un management de grande classe, est le problème numéro un de toutes les filières. L’absence d’une stratégie de développement au niveau macroéconomique et d’un management de classe mondiale au sein des entreprises et des institutions aboutit toujours à des problèmes graves dans tous les secteurs», explique-t-il. Par ailleurs, en pleine période d’austérité, et malgré le désarroi du citoyen, on continue encore de puiser dans ses poches tous les jours un peu plus, alors que certains ministères vont tout de même bénéficier d’une rallonge budgétaire. Cela est-il logique ? Pour Abdelhak Lamiri, malgré l’austérité il y a toujours des priorités. «On peut admettre que le budget de la Défense obéit à d’autres considérations. On peut également concevoir aussi qu’il peut y avoir des efforts pour une meilleure redistribution des ressources (augmenter les basses retraites par exemple), mais on ne peut pas continuer dans la logique des grands projets, ce qui épuisera rapidement les réserves et aura de terribles conséquences sur le pays», explique-t-il.
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