vendredi 11 mai 2018

Certaines taxes sont de trop, peu productives et très provocatrices pour les citoyens

- Le président de la République a rejeté le projet de loi de finances complémentaire. Selon vous, quels seraient les axes à revoir ? Pour être plus juste, il ne l’a pas rejeté, mais a demandé une seconde lecture, ce qui revient à un désaccord sur quelques articles ou dispositions qu’il a estimé peu judicieuses politiquement de son point de vue. N’étant pas dans le secret des dieux, je ne sais pas ce qui a déplu en haut des structures de la gouvernance, mais en ce qui me concerne, j’estime que certaines taxes sont de trop, peu productives et très provocatrices pour les citoyens, comme les fameux droits sur les documents officiels, qui sont devenus une sorte de vente de ces documents avec une marge commerciale et une ponction dirigée directement vers les maillons faibles que sont les consommateurs des services publics. Ainsi que la disposition qui consiste à intégrer les étrangers comme potentiels bénéficiaires de terrains agricoles du domaine public de l’Etat, qui politiquement est une source de conflit historique sur l’approche des terres en Algérie, et surtout non susceptible d’attirer des investisseurs sérieux qui ont mieux, moins cher, plus fertile et moins contraignant aussi bien au Brésil, en Ethiopie ou au Soudan. Personnellement, je soupçonne que cette disposition a été introduite suite à un arrangement quelconque avec une partie qui peut être tout sauf un investisseur sérieux avec un projet sérieux chez nous. Sachant que ce genre de disposition, qui change la philosophie même du pays en matière de souveraineté foncière, ne relève pas d’un texte d’essence budgétaire à faire passer en ordonnance présidentielle sans discussion, mais d’un projet plus global de réforme agraire dans le cadre d’une loi agraire qui n’a rien à voir avec une loi de finances ordinaire ou complémentaire. - Doit-on s’attendre à ces ajustements pour la loi de finances 2019 ? Il est évident que les recettes ayant connu une certaine embellie, il y a de fortes chances que les cadrages pour 2019 et 2020 seront revus à la hausse en matière de recettes, ce qui n’est pas de bon conseil tant que les effets conjoncturels ne sont pas devenus structurels sur le marché pétrolier. Mais pour donner une impression de maîtrise des déficits, il est sûr que le gouvernement ne va pas rater l’occasion de les réduire en intégrant une fiscalité pétrolière plus importante comme prévisionnelle, quitte à revoir sa copie en septembre si les choses prennent un autre virage. Quant aux dispositions douanières et fiscales, il est une habitude chez l’actuel Premier ministre que les plus sujettes à polémique ou les plus farfelues sont toujours intégrées dans des textes qui ne connaissent pas un débat parlementaire long et fastidieux ; il les glisse de ce fait dans les LFC qui passent par ordonnance. Le gouvernement n’ayant strictement aucune approche en politique économique digne de ce nom, à ne pas confondre avec les bricolages comptables et les dispositions sur commande censés arranger les uns ou déranger les autres, nos lois de finances sont conçues pour passer des barrages et encadrer des dépenses et intérêts conjoncturels, et rien d’autre, et ne reposent sur aucune vision économique à cours, moyen ou long termes. Sinon, pourquoi intégrer un cadre de dépenses et recettes pour 3 années dans la LF 2018, pour se pointer avec des virages à 45% trois mois plus tard ? - Chaque loi de finances pioche un peu plus dans les poches du citoyen. N’y a-t-il pas d’autres ressources pour renflouer les caisses ? L’unique moyen de renflouer les caisses de l’Etat, d’abord c’est de ne pas les vider de la plus farfelue et douteuse des manières. Ensuite, créer une économie capable de les renflouer à un niveau raisonnable de dépenses incompressibles et un niveau appréciable de dépenses utiles et rentables. Et cela passe par une fiscalité étudiée pour rapporter ce qu’il faut, sans détruire la machine productive ou favoriser une fausse activité économique, en intégrant les points positifs et négatifs de chaque politique et de chaque volet fiscal ou douanier sur toute la chaîne économique. Cela s’appelle prosaïquement avoir une politique économique, ou une économie au sens standard du terme, ce qui ne semble pas être la cas quand une alliance se forme entre des bureaucrates démiurges et sans aucune connaissance économique, et des intérêts pour le moins boiteux, qui passent à côté de ressources disponibles, légales, légitimes et dues pour chercher dans les poches des citoyens les derniers dinars à injecter dans une fausse économie soumise aux oukases de la bureaucratie sans vision. La preuve en est que les règles de facilité ou de contraintes fiscales sont faites de manière généralisée et vague, profitant à toutes les parties, y compris les parasitaires, et étranglant toutes les parties, à commencer par les plus productives, pour ensuite être révisées au cas par cas, en commençant par les moins utiles, et en favorisant les secteurs les plus improductifs et même les moins fiables. - En pleine période d’austérité, certains ministères vont pourtant bénéficier d’une rallonge budgétaire. Qu’en pensez-vous ? Certains ministère bénéficient de rallonges budgétaires malgré la consistance du chapitre charges communes, qui semble avoir été manifestement aspiré en trois mois, pour nécessiter une rectificatif par voie de loi, et dans ce cadre certains ministères sont gourmands en besoins non signalés au départ, d’autres manquent de prévisions fiables, et quelques-uns sont sujets à des besoins créés par des politiques qui les dépassent, comme le ministère de l’Agriculture qui lui a besoin de plus de 10 milliards de dinars pour financer la subvention de 18 000 tonnes de produits agricoles au lieu des 13 000 initiales par mois, ce qui fait 60 000 tonnes de plus par an à subventionner à hauteur de 15 dinars le kilo. - Ne peut-on pas faire des économies dans certains secteurs ? Ceci renvoie à toute la vision politique de l’économie du pays, et pour faire des économies dans certains secteurs, ce qui est plus que possible dans une situation sereine, il faut se délester de beaucoup de missions que l’Etat s’est offertes en plus de ses capacités de gestion, et pouvoir reclasser les priorités du pays en signifiant à toutes les parties qu’elles n’ont pas à dicter leurs besoins, mais à considérer les nécessités et capacités du moment, dans le cadre d’une vision projetant le pays dans un avenir économique productif et consensuel. Pour le moment, les contraintes de répondre à toutes sortes de besoins créés pour clientélisme la société et des segments de l’Etat, qui ne veulent pas céder sur leurs positions acquises, plombent toute possibilité de trouver une solution raisonnable à ce problème, qui va finir par nous couler un jour.  

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